Guerres de Religion

Jacky Altmeyer-Carrio - Jean-Louis Gibaud


 En 1962, à Latillé, dans la Vienne, je rendais visite à Monsieur Olivier Loth, ancien curé de Coulon, pour parler de l’histoire en général de notre village. Au cours de notre conversation, abordant le problème des archives, il me dit que, malgré ses recherches, les textes sur Coulon, avant les guerres de Religion, étaient peu nombreux, accentués encore par la période révolutionnaire et ses nombreux pillages.

Néanmoins, on peut préciser quelques points grâce à deux sites dont on connait l’histoire.  Il s’agit de l’église et son prieuré et du cimetière.

Enfin, quelques textes donnent un éclairage sur la communauté protestante :

- Les guerres de Religion, 1562-1598 ;

- La Révolution française 1789-1800.

 

L’église et son prieuré

 

Grâce aux notes de Louis Chénier, curé de Coulon pendant 40 ans (de 1725 à 1765) nous savons que « le prieuré ainsi que la partie de l’église, comme il y parait encore, ayant été incendiée […] des pierres noircies se voient encore dans le clocher. »

Le prieuré n’a donc pas survécu aux guerres de Religion et l’église « fut réparée si incomplètement qu’elle offrait encore en 1619 un triste spectacle. »

L’ancienne demeure du prieur, accolée à l’église, fut incendiée également. Louis Chénier fit reconstruire en 1748, sur les vestiges de cette dernière, un petit corps de logis qui plus tard s’appellera la  Maison de la Pitre.

Il faudra attendre 1671 pour que tout soit réparé, sauf l’escalier montant au clocher, qui en 1733, reçut 13 marches supplémentaires remplaçant « l’échelle de bois amovible par le dehors, par Huguet, masson de Benet » nous dit encore Louis Chenier.

Le clocher, en effet, bâti au XIe siècle fut reconstruit au XVIIe siècle et rehaussé de 4 pieds (soit environ 1,50 m. en 1831) par Dionnet, maçon.

L’incendie dut avoir lieu, selon Olivier Loth vers 1569, ce qui correspond à la  3e guerre de Religion (1568-1570).

En aout 1568, les chefs protestants Condé et Coligny se replient sur la Rochelle suite à la défaite de Saint-Denis le 10 novembre 1567. En 1569, le 13 mars, Condé meurt lors de la prise de Jarnac par les catholiques.

Effectivement, la Saintonge et Saint-Jean-d’Angély, surtout, furent des lieux de luttes fratricides les plus sanglantes et tenaces. Jarnac et Coutras étaient des centres de résistance protestant.

 

Bernard Drilleau, dans son article paru dans le bulletin de la Société d'études folkloriques du Centre-Ouest – Tome XV – 1977, précise :

« À force de passer des mains du Roi aux mains des Anglais, la population était devenue frondeuse. »

 

Le cimetière 1

 

Malgré la loi du 23 prairial an XII (19 mai 1804) affectant des parcelles pour chaque culte, et malgré la loi du 15 novembre 1881 donnant libre accès à tous dans les cimetières, les protestants continuent à utiliser les cimetières particuliers.

Pourquoi ?

Henri Gelin, dans Au temps passé, 2e série, fait remonter l’origine de ces cimetières particuliers à la révocation de l’édit de Nantes (1685).

« Indispensables pendant la période de 1685 et l’édit de tolérance de 1787 rendant aux réformés l’état civil, n’ayant pas droit à l’usage des cimetières paroissiaux autour des églises, l’unique moyen était l’enterrement dans leurs champs ou jardins. »

Mais d’autres auteurs font remonter cette coutume aux premiers temps de la Réforme.

À Coulon, est attribué au début du XIXe siècle une partie du cimetière pour enterrer les morts de « ceux de la religion prétendue  réformée. »

Ce lieu d’inhumation dans le cimetière était situé dans la partie nord-ouest, le long de la rue de l’Aumônerie, à commencer à partir de la partie du milieu actuel (qui n’existait pas à l’époque).

L’entrée se faisait par une porte située à l’extrémité nord, mais les protestants préféraient emprunter une brèche pratiquée dans la clôture de façon à éviter l’entrée empruntée par les catholiques.

  


Sources

- Bulletin d'e l'abbé Olivier Loth
- Registres paroissiaux

- Notes de Louis Chenier

- Délibérations du conseil municipal


 

 La communauté protestante à Coulon

 

La paroisse de Coulon, en 1631, est composée de 160 feux, soit 750 à 800 habitants dont de nombreux protestants. 

Leurs droits sont contestés. Ils sont invités à abjurer, mais ce, sans grands résultats pour la plupart, d’où les dragonnades.

Mesures coercitives alors, qui peuvent se résumer en trois mots : effrayer, ruiner, contraindre.

Les protestants ont donc deux solutions à opposer : se cacher ou fuir à l’étranger.

Certains se cacheront dans les roselières du marais et, selon le pasteur Jean Rivière, 52 fuirent.

Il y eut 158 abjurations, mais le culte clandestin continuera à avoir lieu notamment dans la  Garenne de Manté .

En 1716, selon le mémoire de l’élection, il y avait 152 feux, soit 36 de moins depuis 1686, dus à la révocation de l’édit de Nantes (1685).

En 1744, le chiffre remonte à 164, soit 12 feux de plus.

On ne peut pas s’étonner que Coulon ait possédé son cimetière protestant, mais les deux cimetières se trouvaient sur le même terrain sans être séparés, contrairement à celui de Bessines.

 


Source 
- Raymond Rousseau – article dans le bulletin de la Société historique et scientifique des Deux-Sèvres – Tome 14-1981


  

Coulon garde encore le souvenir de cette communauté grâce à Louis Breillat 2, dans l’article paru dans la revue de la Société généalogique et historique de Benet. 

Les noms de pasteurs et de civils ayant donné leur vie au service de leur foi, y figurent.

- le pasteur Jean Martin fut pendu, son assistant Jean Nouzille condamné aux galères et décédé 3 ans après

- Marie Robin, dite « Robine la Préchouse » ou « Robin la Catin »

- François Soulisse (dit le Biscayen), fils de François et Catherine Lucas, arrêté en 1710 sur dénonciation, incarcéré, interrogé par Arnault de la Terraudière assisté du greffier Louis Brunet, sera par la suite relâché pour servir d’appât afin de capturer un certain Dauban. Tous les moyens étaient bons !… Il était appelé le biscayen car dans ses nombreuses pérégrinations il était passé par la Biscaye (Espagne). Les questions qui lui évitent la mort, et auxquelles il répondit par la négative furent : « Avez-vous été à Genève ?  » et « Avez-vous été dans les Cévennes ? ».

Il ne fut pas de ce fait assimilé aux Camisards des Cévennes.

                                                           

À cette époque, en France, on pouvait disparaitre pour des idées, des croyances, mais le résultat se fit sentir ensuite, le pays ayant perdu beaucoup de têtes pensantes ainsi que de la main d’œuvre très qualifiée, phénomène accentué par la Révolution et de nouveau répété durant la dernière guerre ! Intolérance !

   

 1Article de Louis Breillat 

 

Malgré l’ édit de Nantes, tout au long de ce XVIIe siècle, les droits des protestants sont contestés.

La hiérarchie de l’Église catholique, Louvois, Mme de Maintenon, pourtant petite-fille d’Agrippa d'Aubigné, persuadent Louis XIV de révoquer l’édit de Nantes.

On demande aux protestants de devenir catholiques en abjurant. C’est d’abord par des prédications qu’on les y invite. Comme cette méthode n’a guère de résultat, le pouvoir envoie des dragons qui avaient des méthodes plus expéditives.

Leur programme était : effrayer, ruiner, contraindre. Pierre Dy dans son « Histoire du protestantisme » nous dit :

« c’était pour eux un raffinement de plaisir que de trainer une huguenote par les cheveux et dans la boue ».

Pour les protestants les plus opiniâtres, il n’y avait que deux solutions, se cacher ou fuir à l’étranger… les Roselières du marais ont servi de refuge à ces« opiniâtres ». Dans certaines vieilles familles du marais, les descendants de ces « opiniâtres » ont encore des traditions violemment anticléricales et anti-pouvoir.

Seconde solution pour ces opiniâtres : la fuite à l’étranger.

Il y a une vingtaine d’années, le pasteur Jean Rivière nous avait envoyé une liste de 52 noms de Benet et Coulon ayant fuit en Angleterre par Marans et La Rochelle. (Voir ci-après).

À Coulon, il y eu 158 abjurations, ce qui prouve qu’il y avait une forte proportion de protestants.

Dans les années qui suivirent la révocation, les cultes reprirent dans des lieux inattendus. 
À Coulon, c’est dans la « Garenne de Mante » que ces cultes clandestins avaient lieu.

Des pasteurs itinérants faisaient ce culte ; ils risquaient leur vie… ils le savaient.

L’un de ces pasteurs itinérants fut pris, jugé à Niort et pendu à Benet. C’est Jean Martin. Jean Nouzille qui l’assistait fut condamné aux galères perpétuelles. Il y mourut trois ans après. La célèbre Marie Robin que ses détracteurs appelaient « Robine LA Préchouse » ou « Robine LA Catin », Jean Renaud dit Arnoux, dit Cartier, réussirent à passer à travers les mailles du filet…

Pour en savoir plus sur les Guerres de Religion, sur la révocation, sur les « opiniâtres », voir les ouvrages de Pierre Dy, Jean Rivière, Roger Durand et d’autres.                                                                                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

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