Les cimetières de Coulon 

Jean-Louis Gibaud


 

Trois tombeaux gallo-romains furent trouvés en 1883 dans un terrain situé à droite de la route de la Gare qui conduit au gué contigu à l’ancienne entrée qui mène au gué romain de la Grange et du pré appelé Le Pré Feuillant ou Pré Fillon. Pré Feuillant, du nom des feuillants, religieux propriétaires jusqu’à la Révolution du prieuré de la Grange situé à côté de l’église de Coulon, et Pré-Fillon à cause de Jacob Fillon, fermier général du prieuré de la Grange au XVIIe et début du VXIIIe.

Quatre petits bronzes de Constantin (306-377) retirés de trois tombeaux gallo-romains furent trouvés en 1883. Ce lieu est un ancien cimetière gallo-romain qui contient plusieurs sépultures 1.

Deux sarcophages provenant de ce cimetière furent retirés et déposés dans un jardin privé. Ils y étaient toujours voici une trentaine d’années.

En 1927, lors de la pose d’un pylône, un sarcophage fut trouvé au pied du clocher puis, en 1952, un autre à côté de la sacristie. En 1969, de nombreux sarcophages furent mis au jour sur l’emplacement du jardin de l’ancienne poste, aujourd’hui place Hélène-Colin-Lefrancq, artiste peintre.

En 1999, plusieurs autres sarcophages furent trouvés lors de l’aménagement de l’entrée des bureaux du Parc interrégional. Des ossements prélevés dans ces sépultures, à la demande de M. Bourdu et avec l’accord du maire de Coulon, Jacques Rousseau, ont été envoyés au centre de datation par le radiocarbone à Lyon. Leur âge a été calibré de 665 à 778 après J.-C. Les dates autour desquelles se situent le maximum de probabilités sont 750, 700, 714, 763, 693. C’est certainement le premier cimetière du village de Coulon, crée entre la Dive et la Sèvre, en haut de l’actuelle rue de l’Église et jouxtant la première église.

 

Les registres paroissiaux de Coulon remontent à 1649. Les curés faisaient les sépultures soit dans le petit cimetière, soit dans le grand cimetière. Le petit cimetière était situé au midi et le long de l’église. Il était planté d’ormeaux (dont les cinq derniers ont été abattus en 1850), et limité par le chemin qui longeait les maisons (aujourd’hui maison Ribreau), et le mur de la cure (de nos jours, les bureaux du Parc interrégional). Il était clôturé par des poutrelles en bois fixées dans des pierres rangées debout (côté chemin). Jadis, il y avait également un mur qui séparait l’église du champ de foire. Pour agrandir celui-ci, le mur fut démoli en 1844. Il est probable qu’au début, un cimetière entourait l’église : « autrefois, relate André Savariau 2, un cimetière entourait l’église, occupée par la place actuelle. De nombreux ossements ont été mis au jour lors de la plantation des tilleuls qui ornent le terre-plein et de la construction du préau de l’ancienne école. »

Évoquons maintenant l’intérieur de l’église. Lors des sépultures des prieurs, curés, seigneurs et notables de Coulon, jusqu’en 1776 – date à laquelle Louis XVI interdit par un édit les inhumations dans les églises – et grâce au dépouillement des registres paroissiaux commençant en l’an 1649, effectué par M. Guitton de Xanton, membre de la Société historique et généalogique de Benet, j’ai pu relever, de 1649 à 1776, une soixantaine de sépultures. Il y en a certainement davantage car on ne connait pas les décès antérieurs à 1649.

 

- Le 19 février 1650 : Gabrièle Guérit, âgée de 40 ans dans notre église, près du bénitier.

 

- Le 8 mai 1650, « 8 jours après » le bonhomme Moinard, 60 ans de Glandes « ayant satisfait à son devoir à Pasque » enterré sous le balét 3 de l’église.

 

Normalement, les prieurs et les curés étaient inhumés dans le chœur, les seigneurs dans les chapelles latérales. En 1692, Messire François de Belleville, sieur des Rozes, fonde la chapelle Saint-Jean dans la nef nord à charge de trois livres par année pour droit de bancs et de sépultures.

Pierre de Belleville, seigneur de Coulon et de Rozes fut enterré dans le chœur de l’église : « 27 janvier 1676, fut enterré dans notre chœur d’église, Monsieur des Rozes qui mourait au Rozes et fut amené à Coulon. »

 

Le petit cimetière disparut en 1850. Les arbres furent vendus. On réservait l’emplacement pour recevoir les matériaux de démolition de l’ancienne cure. Déjà on n’enterrait plus depuis le début du XVIIIe siècle ; les inhumations se faisaient dans le grand cimetière. Olivier Loth, curé de Coulon, nous dit avoir trouvé une tombe datée de 1625, mais le grand cimetière existait avant cette date – Robert Dupont, curé de Coulon, dans le Message de juin-Juillet 1966, cite la croix hosannière datant de 1112 qui fut brisée en 1942.

 

Le grand cimetière n’avait pas de clôture ; il était ouvert aux piétons et aux voitures. Les voyageurs qui allaient de Coulon vers Benet et vice-versa passaient par l’Aumônerie mais souvent, ils coupaient à travers le cimetière. En 1651, le 23 avril, Jean de la Montagne, de la province de Champagne fut enterré « tué le jour précédent dans notre grand cimetière ».

L’accès devenait difficile pendant la saison des pluies, le carrefour de l’Aumônerie se transformait alors en une gace 4 ou un cloaque qui empêchait parfois le clergé d’accompagner les corps des défunts jusqu’à la fosse.

« Le cimetière qui est à l’entrée dudit bourg a plus d’une fois reçu dans son sein les mânes des fidèles, sans la plus petite solennité, au grand déplaisir du pasteur et du troupeau » 5.

 

Dans les registres paroissiaux, le curé Louis Chénier,curé de 1725 à 1765, nous a laissé des détails :

« L’ancien cimetière de ce lieu, situé à l’entrée du bourg était ci-devant dans le plus triste état quoique on y enterrait et que l’on y fît les processions, tout rompu de grands chemins de bout à l’autre en trois différents endroits, sans aucune défense ni clôture malgré les accidents et profanations, même pollution comme après par les registres de 1655 qui ayant été interdit de droit par un homicide, il y est réconcilié par ordre du seigneur évêque. De nos jours, même entre mille profanations, un nombre de bouviers à voiturer vin sur plusieurs charrettes ont passé une nuit entière an iceluy au pied de la croix hosannière avec grands feux de bois et roseaux volés dans le voisinage, renversèrent et cassèrent deux grosses pierres de deux gentilshommes ensevelis, le tout par la débauche, irréligion et libertinage, cognus iceux bouviers par le métayer voisin de l’aumônerie entre des calvinistes de Foussais ».

 

Le curé Louis Chénier gémissait de voir ce cimetière en si triste état.

« Sur la connaissance que un seigneur evesque de Poitiers interdisait tous les cimetières non clos, dans une année de disette où les journaliers avoient paine à vivre, point d’ouvrage, le curé de concers avec Jean Roy, fabriqueur, et autres habitants tanta de le closre an quelque chose et au possible […]. La misère et la cherté du blé augmentant, un grand nombre se présentait chaque jour, en sorte que ne pouvant refuser personne à dix sols par jour, il a esté faussoyé ; les grisons et cailloux en ont augmanté considérablement la dépense ; le curé n’a touché à aucune espèce, il s’est contanté de voir, de faire faire et de faire payer par le dit fabriqueur ».

 

« Comme au bout et antrée dudict cimetière, il y avait un tesrin qui n’avoit pas esté ranfermé par les faussés et que il a toujours deu confronter au grand chemain de Niort à Coulon, lequel tesrin estoit mal uni par des trous à tirer du sable et par des hauteurs naturelles ou des décombres pour plus de régularité et décoration, le curé content que personne ne le trouverait mauvais le fit aplanir et planter quatre noyers au carré pour la conservation desquels il y fit planter environ trente pieds de têtards d’ormes et frênes jusqu’à ce que les noyers soient forts et comme les brebis s’y reposaient d’allée et de venue, les plumaient et gâtaient […] il fit faire un fossé sans conséquence n’y prévoir de contradiction, n’ayant esté fait simplement que par décoration à l’antrée du bourg. »

 

Le terrain jouxtant le cimetière appelé par la suite le Bois d’Amourette, occupait l’emplacement du 4 rue de l’Aumônerie, à droite de l’entrée de la rue.

 

En 1787, l’édit dit de tolérance donnait des droits aux protestants. À Coulon est attribué, au début du XIXe siècle, une partie du cimetière pour enterrer les morts de « ceux de la religion prétendue réformée ». Ce lieu d’inhumation dans le cimetière était situé dans la partie nord-ouest, le long de la rue de l’Aumônerie à commencer à partir de la porte du milieu, qui n’existait pas à cette époque, étant seulement une porte piétonne. L’entrée se faisait par une porte située à l’extrémité nord du cimetière, mais les protestants préféraient emprunter une brèche pratiquée dans la clôture de façon à éviter l’entrée empruntée par les catholiques.

 

Le 23 aout 1804, un état signé Soulisse, maire, précise que le cimetière était ouvert à tout vent et n’avait jamais été clos de murs.

 

Bien plus tard, un mur sera construit. Le cimetière agrandi en 1898, par le terrain entre la chapelle des Faribaud et le mur jouxtant la place Gilbert-Tesson. Les anciens habitants de Coulon désignaient cet espace sous le nom de « nouveau cimetière ». Le nouveau cimetière avait des allées, alors que l’ancien n’en avait pas. Ce n’est que depuis la dernière guerre que l’on créa des allées. Celui-ci était planté de cyprès qui gelèrent au cœur de l’hiver 1938-1939.

 

Le monument aux morts fut inauguré en 1929. La plus ancienne tombe est celle de messire Étienne Claveau, curé de Coulon et archiprêtre de Frontenay-Rohan-Rohan mort le 4 novembre 1780. Cette tombe est située dans la partie désaffectée du cimetière.
Le conseil municipal de Coulon, réuni le 27 juin 1847 sous la présidence de François Faribaud, note :
 

« Monsieur le président ayant déclaré qu’il n’avait plus rien à soumettre à la décision du conseil, plusieurs membres ont alors pris la parole pour se plaindre de ce que M. Furgeaud faisait paitre dans le cimetière sa jument et son poulain et son troupeau de moutons. Quelques uns ont même ajouté avoir vu la bergère grimpée sur un monument récemment élevé et y faire de la gymnastique. Tous se sont récriés contre la destination que donne un champ de repos. M. le Curé et […] engagent M. le président à prier l’auteur de faire cesser ce scandale. » 6 

 

 

 

 

Cimetière de Coulon - 1899

 

 

 

 

 

 

 

 

1 -  Extrait des bulletins paroissiaux Nos 1 et 2 d'aout et septembre 1923 - abbé Olivier Loth, curé de Coulon.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2 -  Dans Le Courrier de l'Ouest du 19 juillet 1957.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3 -  Auvent devant la porte de certaines églises - parfois appelé caquetoire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4 -  Mot poitevin - flaque boueuse.

 

 

 

5 - Extrait du cahier de doléances des habitants de Coulon en 1789.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6 - Extrait des registres des délibération du conseil municipal de 1847.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Délibérations du conseil municipal de Coulon (extraits)

 

L’an 1891, le vingt décembre

Monsieur Pignoux, maire, le conseil municipal, après délibération, autorise monsieur le maire assisté de messieurs Ravard Louis et Lucas Alfred, conseillers municipaux, à vendre aux enchères publiques la coupe de bois sur le cimetière communal.
 

L’an 1893,

Monsieur Roy, maire 

Sur la proposition de monsieur le maire, le conseil municipal décide à l’unanimité d’agrandir le cimetière de Coulon et autorise à faire toutes les démarches à ce nécessaires.

 

L’an 1894, le vingt juin 

Le conseil municipal consulté sur l’opportunité de l’agrandissement du cimetière actuel décide qu’il y aurait lieu de faire procéder pour le moment à un nettoyage complet de cet immeuble et d’ajourner la question.
 

L’an 1894, le quinze décembre 

Le conseil désigne également messieurs les mêmes Berton et Texier, pour assister monsieur le maire lors de l’adjudication des bois provenant du nettoyage du cimetière et consistant en : 

           1re : environ 100 fagots de brindilles, mise à prix 10 francs 

           2e : 30 bûches d’ormeau environ, mise à prix 55 francs 

 

L’an 1895, le douze juillet 

Monsieur le maire rappelle à l’assemblée qu’à la suite des divers pourparlers qu’il a eu avec monsieur Giraud et de l’accord intervenu entre le conseil municipal et la famille Faribaud, il n’y a plus aucun obstacle qui empêche la commune d’acquérir dudit monsieur Giraud une portion de terrain au couchant du pré de ce dernier en vue de l’agrandissement du cimetière de Coulon et ce au prix de 80 francs l’are déjà convenu, le tout sous réserve au profit du propriétaire d’une concession perpétuelle pour lui et sa famille.

 

L’an 1895, le vingt trois novembre 

Monsieur le maire informe le conseil municipal que monsieur Étienne Giraud, sans rétracter les promesses qu’il a faites à la commune de Coulon relativement à l’agrandissement du cimetière, désire qu’on lui fasse connaître le plus tôt possible, la quantité approximative et en même temps le mode de clôture qu’elle se propose de faire élever. 

 

L’an 1897, le vingt-deux février 

L’acte authentique de vente entre monsieur Giraud et la commune de Coulon sera dressé par les soins de maître Roy, notaire à Coulon, mais comme les intérêts du maire se trouvent en opposé avec ceux de la commune, le conseil délègue monsieur l’adjoint pour se représenter dans cet acte. Les frais d’acquisition du terrain et du devis des travaux de clôture s’élevant dans l’ensemble à environ 8000 francs. 

Le conseil municipal décide qu’il sera contracté par la commune de Coulon auprès du Crédit foncier de France un emprunt de 8000 francs remboursables en vingt années à partir du 1er Janvier 1898. 

 

L’an 1899, seize octobre 

Le conseil, sur l’invitation de monsieur le maire, accepte d’une façon définitive les travaux de construction des murs du cimetière et tient monsieur Berny entrepreneur des dits travaux quitte de toute obligation envers la commune de Coulon à cet égard. 

 

1908, mai 

Achat d’un corbillard et d’un drap mortuaire voté à cet effet un crédit de 800 francs (construction du local). 

 

1939, mai 

Enlèvement des cyprès et tracé des allées dans l’ancien cimetière.

 

1940, mai 

Enlèvement des cyprès. 

Le conseil décide que l’enlèvement des cyprès du cimetière sera effectué par le nommé Mora Manuel, ouvrier bûcheron à Coulon, à la condition expresse que ce travail ne devra occasionner aucune détérioration aux tombes. 

Les conditions seront les suivantes : la totalité des fagots à provenir des dits cyprès, ainsi que la moitié du volume total des rondins seront attribués au nommé Mora Manuel, à titre d’unique rémunération.

L’autre moitié du volume total des rondins étant réservé à la commune.

 

1940, août 

Le conseil municipal considérant que l’enlèvement des cyprès du cimetière a été effectué de la manière la plus satisfaisante, décide à l’unanimité d’accorder une gratification de 1 000 francs à l’ouvrier Mora Manuel qui avait été chargé de ce travail. Les rondins de cyprès constituant la part de la commune et d’un volume total de 15 stères seront utilisés pour le chauffage des classes. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 Sources

 Bulletins paroissiaux de l’abbé Loth 1923-1930 
 
Registres paroissiaux de Coulon 1649-1789 
 
Notes du curé Louis Chénier, curé de 1725-1765 
 
Délibérations du conseil municipal de Coulon