Incursions des Normands en Poitou - VIIIe au XIe siècle - an 853

Résumé par Jacques Altmeyer-Carrio


Préalablement à ces quelques lignes il est préférable de donner la définition des intervenants. Suivant le dictionnaire :

 

- Les Normands étaient des pillards d’origine scandinave connus aussi sous le nom de Vikings. Ils venaient de Norvège et du Danemark.

 

- Les Saxons : peuple germanique établi surtout à l’embouchure de l’Elbe. Une autre branche était établie en Angleterre.

 

- Les Sarrasins : musulmans d’Afrique ayant conquis l’Espagne et l’Orient.

 

Les Wisigoths : groupe germanique. Implantés entre le Dniepr et le Danube. Leur chef Alaric les entraina en Italie puis en Aquitaine et en Espagne. Ils furent vaincus par Clovis à Vouillé en 507 puis par les Arabes en Espagne en 711.

 

Les Taïfales : police du Poitou selon certains. Ces barbares établis sur le territoire poitevin formèrent des hameaux d’agriculteurs ressemblant à des campements militaires. Tiffauges-sur-Sèvre, Tiffaille, La Tiffardière (Coulon).

  

De la fin du VIIIe siècle jusqu’au tiers du XIe siècle, les Normands ont dévasté plus ou moins le Poitou, tout d’abord par les iles du littoral, puis en pénétrant le pays maritime. 

Avant les Vikings, le pays fut envahi par les Saxons et les Sarrasins.

Cependant, les Taïfales étaient chargés de la police des côtes, ce qui n’est pas avéré par certains auteurs, car ils étaient implantés bien loin pour remplir cette mission. Tiffauges, Mazières, Vivonne ; donc loin des côtes.

 

Il existait aussi en Poitou de nombreuses enceintes (retranchements en terre) sous le nom de Châteliers, Châtelet, Château, Châtelard ; mais les érudits ne pensent pas que les enceintes aient été des remparts suffisants contre les Normands. 

La défense du littoral échut aux Wisigoths lorsqu’ils furent installés en Poitou (419).

Après 406 (grandes invasions) la défense fut désorganisée et les Saxons, plus hardis qu’auparavant (475), avec leur repaire à l’embouchure de la Loire, attaquèrent Angers, Nantes, Marans, Saint-Médard.

 

Après le VIe siècle, les Sarrasins, et surtout les Scandinaves, continuèrent la piraterie (Aquitaine en 732), les Sarrasins avant le règne de Charlemagne. À l’extrême fin du VIIIe siècle, les Normands attaquèrent les iles du Bas-Poitou, cela sans succès.

Louis le Pieux veilla aussi à la protection des rivages mais d’une manière insuffisante, ce qui permit aux Vikings des expéditions sur le littoral, puis grâce à leur succès, ils remontèrent les fleuves. Ils virent que les iles de Boin, d’Yeu et de Noirmoutier formaient les principales étapes commerciales entre le Nord et le Poitou, d’où les tentations d’attaques.

  

Au IXe siècle, la sécurité n’est plus assurée. Noirmoutier et son port seront pour les païens une base pour les attaques, ou aussi un refuge en cas d’expéditions malheureuses et des quartiers d’hiver.

L’abbaye de Saint-Philibert fut pillée plusieurs fois avant 819. Les moines se réfugiaient du printemps à l’automne à Deac, près du lac de Grand-Lieu. L’abbé Hibold dota l’abbaye d’une enceinte fortifiée. Mais Deac subit le siège de son monastère (7 juin 836) après une sanglante bataille où 484 païens décédèrent. On ne sait pas si cet événement eut lieu avant ou après le sac de Nantes. Ils ravagèrent ensuite le Bas-Poitou : pays d’Herbauge, les Mauges, Tiffauge ; et c’est Noirmoutier qui protégea le fruit de leurs rapines.

De même ils saccagèrent Saintes (845). Pour une raison inconnue, ils repartirent en Scandinavie (846) après avoir incendié Noirmoutier et détruit le monastère de Saint-Philibert.

 

Mais en 847 les Danois revinrent et de nouveau ravagèrent les côtes et pénétrèrent dans le pays d’Herbauges. Le 29 mars 847 Deac fut incendié. Les moines se réfugièrent dans le monastère de Cunauld, en Anjou. 

Les succès des pirates les incitent à multiplier leurs incursions non plus seulement dans les iles et les bords de mer, mais pénètrent plus en avant dans le pays, en remontant les rivières en barques, en se cachant pour mieux surprendre. Au lieu de combattre, la population tétanisée prenait la fuite.

 

En 848 les païens en possession de la Gironde et de Saintes allèrent piller Melle et son atelier monétaire. 

 

En 852 Oscar, dévastateur de Bordeaux (848), revint en Gironde. Une partie de ses troupes envahirent le Bas-Poitou. Mais Rannoux et Rainon se mirent à la poursuite de ces Normands et leur livrèrent bataille à Brillac, sur la Vendée, ou à Breuillac, sur la Sèvre (Identification difficile selon Alfred Richard dans son Histoire des comtes du Poitou).

Les Francs furent mis en déroute mais, malgré tout, continuèrent leurs dévastations.

 

En 853 ils brûlèrent Luçon et son monastère, et probablement aussi l’abbaye de Saint-Michel-en-l’Herm, ainsi que le monastère de Saint-Florent-de-Mont-Glome près de Saumur, sans compter le nord du Poitou jusqu’à Poitiers. 

Les dissensions de la famille carolingienne contribuèrent à favoriser les dévastations des païens. Poitiers (865) et Angoulême en firent les frais.

Mais plus tard, en 870, les Poitevins mirent en déroute les païens (879), notamment sur les bords de la Vienne, grâce aux comtes Rannoux 1er, Lambert, Robert Le Fort et Bourgrin d’Angoulême. 

 

À la fin du IXe siècle le Haut-Poitou jouissait enfin de la tranquillité. Par contre le Bas-Poitou était loin d’être en paix.

En 919 la Bretagne est envahie par les Normands de la Loire (919-937, ainsi que les pays de Retz, les Mauges, Tiffauge, Herbauge, les régions poitevines près de Nantes).

Selon certains érudits, Eble, comte de Poitou aurait versé un tribut aux païens pour avoir la paix mais cela parait inadmissible selon d’autres auteurs.

On a prétendu aussi un mariage entre le comte Eble et Adèle, fille de Rollon, mais ceci est impossible car Adèle de Normandie épouse Guillaume Tête d’Étoupe, fils d’Eble en 935. Quant à Elbe, il fut marié deux fois ; en première noce avec Aremburge et en seconde avec Émiliane, dont on ne connait rien.

Il ne semble pas que le tribut fut respecté.

 

Enfin, une victoire définitive sur les païens eut lieu à Trans, Ille-et-Vilaine, le 1er aout 939 par Alain Barbe Torte, duc des Bretons, Béranger, comte de Rennes et Hugues, comte du Mans.

La Bretagne fut libérée mais le péril sur le Bas-Poitou ne disparut que beaucoup plus tard.

Il est question de leurs irruptions dans le voisinage de Niort (milieu Xe siècle). 

Au début du XIe siècle, près de l’abbaye de Saint-Michel-en-l’Herm, ils emmenèrent en captivité Emma, épouse de Guy, Vicomte de Limoges.

Enfin, le comte Guillaume le Grand les contraignit à regagner leur pays après de durs combats et de lourdes pertes.

Les Vikings ne devaient plus revenir sur les côtes poitevines. 

 

Le dépeuplement du Bas-Poitou fut certain. Les païens qui remontaient le cours de la Sèvre tuaient et dépouillaient les indigènes. Pierre de Maillezais parle d’une multitude de Colliberts qui auraient été massacrés par eux. 

Selon les ruines antérieures aux incursions des Barbares, on peut croire que la population ne fut jamais aussi dense, ici, que dans le Haut-Poitou.

Elle fut décimée ensuite à partir de la seconde moitié du IXe siècle.

C’est pour cette raison que les circonscriptions administratives furent rares. Les comtes du Poitou ont étendu facilement leur domination sur ces territoires déserts, une société féodale s’est constituée. Des castras (villages) ont été édifiés pour la protection. Enfin, la coutume de la succession féodale connut des règles plus sévères pour empêcher l’indivisibilité des fiefs sous l’influence de préoccupations militaires.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 


Sources
- Sur la thèse de Marcel Garaud, professeur à la faculté de droit de Poitiers dont Jean-Louis Gibaud m’a procuré une copie.