Vente des biens nationaux à Coulon en 1791 et 1793

Louis Breillat - Extrait du magazine Coulon Info n° 9 – Janvier 2000 


 

La convocation des États généraux, le 5 mai 1789, avait pour but de sauver l’État de la banqueroute…

 

Les privilèges, les abus, les dépenses somptuaires de la cour, avaient créé un gouffre financier que d’habiles ministres, tel Necker, avaient essayé en vain de combler.

 

La solution à cet insurmontable problème d’argent fut proposée le 10 octobre 1789 par le jeune Evêque d’Autun, Talleyrand, député à l’Assemblée constituante. Cette solution était de mettre à la disposition de la Nation les immenses propriétés détenues par le clergé. Pour compenser la perte de ses biens, le clergé devait recevoir un traitement.

 

Le 10 novembre 1789, un décret de l’Assemblée nationale entérina cette proposition et l’organisation de ces ventes fut entreprise…

 

Ce n’est qu’au début de 1791 que les premières adjudications purent se faire dans la région. Ces biens, des communautés religieuses, furent appelés « les biens nationaux de première origine ».

 

Aux archives des Deux-Sèvres, sous la cote Q 122, premier carton, nous trouvons les adjudications des biens nationaux situés dans la commune de Coulon :

 

Adjudication du 24 janvier 1791, la première,

40 boisselées de terres labourables et 8 boisselées ½ de prés situés à Coulon, adjugés au sieur Poudret-Sevret de Niort pour la somme de 5.280 livres, le lieudit n’est pas précisé.

 

• Adjudication du 14 mars 1791,

d’une maison appelée Malaquise, plus 4 journaux de terre dépendant du prieuré de Font Blanche, adjugée 2.375 livres au sieur Grelet de Coulon.

 

• Adjudication du 24 janvier 1791, 

du prieuré de Sainte-Catherine-les-Benet et ses dépendances, moyennant la somme de 41.316 livres payables en 12 annuités à 5 % l’an au sieur Poudret-Sevret de Niort.

 

• Adjudication du 5 mars 1791, 

de la métairie de la Grange, dépendant du prieuré de la Trinité, moyennant la somme de 75 100 livres adjugée au sieur Jacques Yves Racapé-Lainé demeurant à Niort.

 

• Adjudication du 4 avril 1791, 

du prieuré de Glandes, dépendant du chapitre de La Rochelle, adjugé pour la somme de 100 000 livres à M. Thomas-Jean Main de Niort. 

 

• Le même jour 4 avril,

adjudication de la métairie de Peigland, dépendant de l’abbaye des Châteliers, adjugée pour la somme de 100 000 livres à M. Thomas-Jean Main, (ce mois d’avril 1791, ce même Thomas-Jean Main achetait à Benet la métairie de Grand Nauvet et à Sainte-Christine la métairie de Cellette et la métairie du prieuré).

 

Le même jour 4 avril 1791,
adjudication de la métairie de Nozières, dépendant du prieuré de Nozières, adjugée 45 200 livres au sieur François Juin et demoiselle Juin, demeurant à Niort.

 

• Toujours le même jour 4 avril 1791, 

adjudication des deux métairies de Sainte-Maigrine et leurs dépendances, moyennant 85 000 livres, adjugées au sieur Piet-Coursay demeurant à Prissé (ce Piet-Coursay s’empressa de détruire la chapelle attenant aux bâtiments). 

 

• Adjudication du 18 mars 1793, 

un moulin à vent, plus une petite maison, situés à Balusson, de la commanderie de Cenon, ordre de Malte, adjugés 3 525 livres au sieur Tristan Meunier.

 

• Adjudication du 1er nivôse de l’an III (1795), 

de journaux de terres labourables, situés aux Épitres, commune de Coulon, dépendant de la ci-devant fabrique dudit lieu moyennant 3 000 livres (le nom de l’acquéreur est illisible).

 

La première constatation est que la bourgeoisie niortaise acquiert les métairies les plus importantes. Les petits cultivateurs se contentent de quelques parcelles. Ces nouveaux propriétaires, ces nouveaux notables, pour défendre leurs biens, devinrent les plus ardents défenseurs de la Révolution.

 

Un décret, pris au début de 1792, amorça la confiscation de la vente des biens des émigrés.

 

À Coulon, le seigneur Berthelin de Montbrun n’émigra pas. Ses biens, à Aiffres comme à Coulon, ne furent pas touchés.

 

Par contre, à Benet, M. de Lusignan et son fils Hugues quittèrent la France. Desprès d’Ambreuil, seigneur d’Ambreuil, fit de même.

 

Après expertise, les biens de M. de Lusignan représentaient, tant marais que prés, 1 134 hectares, dont 200 hectares étaient situés à Ballanger, paroisse de Coulon, avec encore 20 hectares environ dans les marais de Jumeaux.

 

Les biens de Desprès d’Ambreuil et Vèrnes sur la commune de Coulon. Plusieurs des immeubles appartenant au Comte furent vendus comme biens nationaux mais les marais ne furent ni séquestrés, ni vendus. Les communes de Benet et Lesson en furent, de fait, le propriétaire et furent portées sur les rôles de la contribution foncière.

 

Par contre, à Coulon, le  maire, Jamois, ne voulut pas payer les contributions concernant les marais de Ballanger et de Jumeaux. C’est ainsi que les communes de Benet et de Lesson devinrent propriétaires fonciers de plusieurs centaines d’hectares sur la commune de Coulon.

 

Cette propriété fut la cause, durant la Révolution et l’Empire, d’une dualité aigüe entre Coulon et Benet. Il y eut des querelles très vives dans ces marais de Ballanger, les gens des bords de Sèvre, qui ceinturaient le marais de Ballanger, voulant en récolter l’herbe, les gens de Benet voulant les en empêcher. Un nommé Brelay, des bords de Sèvre, menaça les gens de Benet de leur couper le col avec son dall 1, lequel fut rapidement mis en déroute par des Benétains qui le chassèrent à coups de pigouille… (fait divers, cité par le Dr Louis Merle dans son ouvrage Formation territoriale du département des Deux-Sèvres.

 

À la restauration, les héritiers du comte Hugues de Lusignan (mort en 1814 sans postérité) essayèrent de récupérer les prés et les marais que les communes de Benet et Lesson s’étaient appropriés. Des procès longs, à multiples rebondissements, eurent lieu jusqu’en 1857 entre les héritiers des Lusignan et les communes de Benet et Lesson.

 

La cour impériale de Poitiers, à cette date, fixa définitivement le sort de cet important héritage :

• 1/3 de ces biens seraient attribués aux communes de Benet et Lesson

• 1/3 aux héritiers désignés par le comte

• 1/3 à la princesse de Beauvau-Craon, parente du comte, mais ne figurant pas sur le testament. Les héritiers du comte de Lusignan ou leurs familles vendirent leurs biens à la fin du XIXe siècle. Quant aux marais attribués aux communes de Benet et Lesson, sous l’impulsion de M. Fleury, maire de Benet, les municipalités de ces deux communes, en 1933, les ont vendus à des particuliers, de sorte qu’aujourd’hui les immenses prés et marais du comte de Lusignan sont la propriété d’une multitude de gens.

 

Voilà, maintenant, ce que l’on trouve aux archives de Niort, sous la cote Q 48, au sujet de la vente des biens de Després d’Ambreuil, qui avait émigré comme le comte de Lusignan : 

 

• Le 23 germinal de l’an II (1794), vente d’une métairie appelée Verines appartenant à Després d’Ambreuil. Au deuxième tour, la métairie de Verines a été adjugée 32 000 livres au citoyen Rodier de la commune de Coulon. Le citoyen Dubertre avait offert 20 000 livres au premier tour, le citoyen Guillemot 25 000 livres, le citoyen Richard 28 000 livres, le citoyen Breillat 37 000 livres.

• Seconde vente : la métairie d’Ambreuil (description très complète des bâtiments et des terres). Au quatrième feu, la métairie est adjugée 122 700 livres au citoyen Joseph Guillemot pour la moitié et aux citoyens Jacques Faribaud et Pierre Lucas de Coulon pour le reste.

 

Voilà donc énumérées les ventes des biens nationaux à Coulon pendant la Révolution. Les biens des communautés ecclésiastiques sont appelés par les historiens les biens « de première origine », les biens des émigrés sont appelés  biens « de seconde origine ». 

 

Il faut savoir aussi que ces acheteurs, bourgeois niortais, petits ou grands, furent favorisés par la dépréciation des assignats. Ces acheteurs avaient un délai de douze ans pour achever de payer leurs acquisitions. En 1796, donc bien avant ce délai de douze ans, un assignat de cent livres valait tout juste six sous. Il arriva donc que beaucoup achevèrent de devenir propriétaires pour le prix de quelques poulets…

 

Moins leurs acquisitions leur avaient coûté, plus ils tenaient à la durée du régime qui leur avait permis de s’enrichir. Comme dans la plupart des cas, ils avaient eu la terre pour presque rien, ils redoutaient d’être appelés à rendre des comptes. Ils devinrent donc des partisans intéressés de la Révolution : la vente des biens nationaux payés avec des assignats dépréciés à constitué pour la Révolution le plus solide de sa popularité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1 - Sa faux.