L'Amiral Clochard

 

 L'Amiral Cardinaud

  Le père Gelot
  Rose Ravard  

 

Yvonne Landreau 

 

 

 

 Ernest Chasseau

 

 

         

 

 

 

 

 

« L’Amiral Clochard », pionnier des excursions 

septembre 1856-Coulon - février 1949-Coulon

Jean-Louis Gibaud raconte : 

 

La première excursion organisée sur la Sèvre niortaise (entre La Garette et Arçais) date de 1907. Alphonse Clochard, mon grand-père de cœur, était à la manœuvre. En fait, c’est le jeune Syndicat d’initiative de Niort (issu du Touring club de France) qui l’avait mandaté pour conduire les touristes. À l’époque, les billets n’étaient vendus qu’à Niort.

 Or, les gens de Coulon, maraichins traditionnels, s’opposaient à cette activité commerciale. Au bout de quelques jours, Clochard a cessé les promenades pour éviter les moqueries. Le syndicat d’initiative l’a pourtant convaincu de poursuivre l’aventure du tourisme dans le Marais. D’abord simple intermédiaire, il a exercé sous son nom à partir de 1913. Son surnom, l’Amiral Clochard,  viendrait de l’expression « amiral d’eau douce » utilisée dans la presse en 1921 et reprise par le ministre Vigier lors de sa visite.

 Jusqu’en 1945, de rares familles proposaient des excursions touristiques à partir des communes du Marais avec un ou deux bateaux. Parfois, il fallait faire appel à des proches pour obtenir une barque et un marinier.

 

À la mort de l’Amiral Clochard, en 1949 à 93 ans, Il était à la tête d’une véritable entreprise de batellerie. 

« L’Amiral Cardinaud » 

juillet 1881-Sansais - mai 1960

Le Petit Courrier du 15 juillet 1939

 

À la Garette de Sansais, c'est là qu'habite un grand mutilé, non moins amoureux que l'autre Amiral de la Venise verte qui vous fera visiter le Grand Canal et le canal des Hollandais qui a, dit le prospectus quinze kilomètres de long. C'est une belle balade qu'ont faite, en particulier, Mme et M. Gaston Doumergue, ancien président de la République, et dont la faconde méridionale a dû se trouver bien à l'aise avec l'astucieux langage de l'Amiral Cardinaud qui a installé au bord d'une conche, d'où il entraine ses passagers pour le grand voyage, une oasis d'une fraicheur et d'une poésie digne d'être célébrée par un nouveau Virgile. Un poète des eaux, cela s'est connu, cela peut se retrouver.

En attendant, l'Amiral Cardinaud, sur des béquilles que lui ont valu de graves blessures récoltées en septembre 1915 sur le champ de bataille de Champagne à Perhes-les-Hurlus, fait de son mieux et dit beaucoup pour faire aimer son pays et y retenir les touristes.

Il s'appelle de son prénom Célestin, mais il est tout près de Floridor, de la célèbre opérette, ou d'un chantre en pancartes. Il en a placé partout. Certaines sont bien savoureuses. les banquettes capitonnées qu'il place dans ses barques sont rangées dans une remise. Au-dessus, cette pancarte : « Attention ! Ne pas s'asseoir sur les banquettes qui n'ont leur stabilité que sur les bateaux ». Autrement, en effet, c'est une balançoire.

Et cette autre : « Sonnez. Si j'entends, je réponds par un coup de corne d'auto ! »

N'est-ce pas joli ?

En attendant, d'ailleurs, on peut se rafraichir et même se reconstituer. La maison nourrit son homme et même plusieurs.

L'Amiral Cardinaud possède un livre d'or. Que dis-je ? Deux livres d'or. Signalons parmi les célébrités qu'a conduit de sa pelle l'Amiral sur les eaux merveilleuses des conches, sous leurs voûtes infinies de verdure, Mme et M. Gaston Doumergue, M. Jacques de Lacretelle, écrivain qui passa huit jours avec notre grand mutilé, bien d'autres encore mais surtout cet Allemand nommé Korcher qui écrivait, après avoir exprimé pour notre beau pays et sa Venise Verte, ces mots : « Puisse ce voyage n'être pas le dernier ; puissent les grands peuples se rencontrer dans une amitié véritable et féconde. »

Hélas !

Célestin Cardinaud est justement fier de son livre d'or et tous ceux auxquels il a fait les honneurs de son empire des eaux. Malgré les fatigues que lui impose sa grave mutilation, il poursuit sa tâche.

Et on embarque comme à Venise... 

plus

 Lire aussi :

Parcours militaire de Célestin Cardinaud

Les débuts du tourisme

 


Le père Gelot

février 1841 ? - novembre 1922-Coulon

 

Le père Gelot est mort, il a été enterré mardi, il avait presque 82 ans. C’était une figure originale, il ressemblait à Clemenceau. Lorsque le 16 octobre 1920, le ministre des Travaux publics vint à Coulon, M. Hamiaux1, le caricaturiste niortais, apercevant le père Gelot sur la place de l’église s’écria : « Tiens, voilà Clemenceau ! » Et prenant le gaillard par le bras, il l’amène devant M. Le Trocquer : « M. le ministre, dit-il, je vous présente Clemenceau. »

Il va sans dire que le père Gelot était assez fier d’avoir été présenté au ministre et surtout de ressembler à Clemenceau.

Mais son principal mérite ne consistait pas à ressembler au père La Victoire, le père Gelot était un brave homme, un honnête travailleur que tout le monde estimait à Coulon. Il était un employé du service de la voirie municipale et avait pour consigne spéciale d’entretenir en état de propreté convenable les rues et places du bourg, fonction dont il s’acquittait à la satisfaction générale des habitants de Coulon, y mettant même une certaine coquetterie quand une mariée devait passer par là.

Pauvre mais honnête, le père Gelot n’avait cure des promesses du grand soir ; il se contentait d’être à son devoir de grand [?] . Il est parti comme il a vécu : humblement. Il n’y a point eu de discours sur sa tombe. Le poète des humbles est mort. Ce modeste article nécrologique est mon dernier hommage à la mémoire du père Gelot.

   

1. Abel Hamiaux, dessinateur humoristique  1861 – 1939

 
Sources

Le Mémorial des Deux-Sèvres du 10 novembre 1922

Coulon, nécrologie  


 

Rose Ravard - Trémoussette la sage-femme

 

Sur un témoignage de Pascal Bloch - 1824 

 

La cloche de Coulon sonne la demie de 5 heures. Rose pousse sa barque d’une main ferme contre le faible courant de la Sèvre. Son visage tendu ne ressent pas la fraîcheur de ce petit matin du mois d’août, après l’orage de la nuit, et son regard fixe déjà les premières maisons du bourg. À l’avant de la barque, une fillette aux joues trempées de larmes mordille nerveusement les cordons de sa coiffe. C’est cette petite qui, terrifiée de voir sa mère endurer depuis cette nuit les douleurs croissantes d’un accouchement difficile, a dû courir seule jusqu’à la maison de Rose. C’est elle qui, se meurtrissant les pieds dans ses sabots trop grands, est venue secouer la clochette de la conche Bergère. Jusqu’à ce que, le chien aboyant, Pierre Jubien se lève puis réveille sa femme. Jusqu’à ce que Rose, devinant tout aux cris de la fillette, saute dans sa barque et passe la rivière : car sa maison (qui deviendra bien plus tard la célèbre maison aux volets bleus) n’a pas d’accès par la route.

Mais déjà les bras vigoureux de Rose donnent un dernier coup de pelle, nouent la corde à un anneau du lavoir, ramassent le panier contenant son nécessaire et empoignent la fillette transie.

Déjà son pas rapide, auquel une légère boiterie de famille donne une ondulation froufroutante (est-ce pour cela que tout le monde l’appelle « Trémoussette » ? Non, c’est plutôt un héritage du surnom de son père), la conduit en passant devant la cure, jusqu’à la maison de la veuve du charron. Rose pousse la porte et aussitôt se met à l’œuvre. Bientôt un feu crépite dans la cheminée, la voisine court chercher du bois, car un vingt août il n’y en a guère d’avance ! et la petite marmite chante bientôt, rendant un peu de gaieté à la pièce où tous les visages sont muets, pensez « un quatrième qui ne descend pas » ! Mais la famille ne peut se permettre d’appeler le médecin, que l’on ne pourrait payer ! Aussi est-on allé plutôt vers la sage-femme.

Rose Ravard sait tout cela. Ses trente-quatre ans lui ont donné une expérience, un savoir qu’elle n’a pas retiré des seuls enseignements des professeurs de Niort : ayant débuté auprès de sa mère, cela fait ainsi vingt ans qu’elle aide aux accouchements ! c’est cette expérience familiale, et la notoriété sans défaut qu’elle a acquise qui lui ont permis d’être acceptée par le préfet des Deux-Sèvres, en 1824 comme externe à titre gratuit du cours d’accouchement des Deux-Sèvres. Mais après six mois studieux à Niort, le cours avait été supprimé, privant Trémoussette du diplôme officiel dont elle aurait  tant besoin. Depuis quelques mois elle rêve de postuler à l’examen pour intégrer cette fois le cours gratuit d’accouchement de la Rochelle. Mais il faudra des soutiens….

À présent la sage-femme a la situation en main. Cet accouchement par le siège est déjà bien avancé (dès son arrivée, Rose constatait déjà «grande paume » !) et, guidée, la jeune mère de famille a repris un peu de force et de confiance pour la fin du travail. Bientôt Trémoussette pourra se consacrer aux soins du nouveau-né, car c’est là que son art se tourne également avec une compétence reconnue. Et si la jeune mère est trop défaillante, Rose sait quelle nourrice appeler pour sauver l’enfant….

Cet après-midi, si elle avait eu le temps, Trémoussette aurait rendu visite au maire de Sansais, le fils Ayrault. Celui-ci, convaincu par son adjoint  J.Pellerin, a promis de rédiger un certificat attestant de la compétence et de la notoriété de la sage-femme. Ce soutien comme d’autres qu’elle s’est déjà vus délivrer, y compris de médecins de Niort ou exerçant à Coulon, sera bien utile lorsqu’il faudra convaincre les membres du cours de la Rochelle. Être reçue comme élève, c’est pouvoir espérer un diplôme – et, sans doute, pouvoir vivre mieux de son art, pour élever ses quatre enfants en bas âge.

Les cris de l’enfant, bien vigoureux, ont résonné dans la petite maison. La fillette a retrouvé son sourire, et les soins prodigués par Trémoussette à la jeune accouchée ont fait merveille. La sage-femme demeurera la plus grande partie des journées qui suivront auprès d’eux. Elle changera l’enfant, aidera à le nourrir mais s’activera également à la lessive et au ménage. Seules quelques petites heures matin et soir seront consacrées à son propre foyer ; aussi profite-t-elle du répit présent pour retourner vers sa barque, qui la ramènera à la conche Bergère.

Laissons Rose, dite Trémoussette, retourner se reposer dans sa maison ou plutôt reprendre son rôle de mère de famille. Fière du devoir accompli, elle n’en demande pas plus ; fière d’avoir mis au monde des centaines d’enfants (elle-même en élevera sept) mais sans en retirer d’orgueil inutile, elle ne réclame aucune gloire. Mais si un jour, un de des arrière-arrière petit fils, rêvant devant de vieux papiers de famille, souhaitait faire revivre son souvenir…..ne saurait-elle nous émouvoir ?

 

Sources 

Publié dans le journal LA RIGOLE du Centre Social et Culturel du marais en juin 2000

 

Ernest Chasseau

1892 - 1979

 

Jacques Althemeyer-Carrio rapporte : 

 

De la classe 1910, il fait toute la Grande Guerre, incorporé au 125e régiment d'infanterie, 2e armée du général Nivelle.

Il subit la bataille de Verdun, où on le retrouve le 7 mai 1916 à la cote 304, puis dans la Somme.

Évacué le 27 octobre 1918 après avoir été gazé, Ernest Chasseau est diplômé de la Médaille militaire, de la Croix de guerre avec trois citations élogieuses et enfin, il est nommé chevalier de la Légion d'honneur.

Toujours au service de la population, comme pompier bénévole, il est toujours prêt à assurer la sécurité dans le village où il est très demandé.

Rendre service était pour lui un devoir et une priorité.

L'expérience de la Grande Guerre était je crois, pour les Coulonnais, gage de sérieux et de confiance.

En tant que maçon, il fut fossoyeur du 1er janvier 1935 au 21 mars 1974. En 39 ans de service, il creusa 916 tombes.

Depuis 1996, il remontait chaque jour l'horloge de l'église. 

Il nous a quittés le 6 février 1979.


 

Yvonne Landreau, personnage atypique de Coulon

aout 1898-Coulon  - 1996

 

Nicole Bernard-Cheminet raconte : 

 

Je me souviens que lorsque nous sommes arrivés habiter à Coulon, avec mes parents, j’étais lycéenne et pensionnaire, ce qui fait que pour se faire des amis, ce n’était pas facile et, pour m’intégrer, le chant et la musique étant mes passions, je m’inscrivis au groupe Les Ageassons qui à l’époque était juste créé.

 Yvonne Landreau confectionnait les robes avec une couturière, Mlle Adrienne, qui avait été couturière autrefois,  et les coiffes étaient fabriquées et entretenues par  Yvonne Landreau et Mme Geneviève, de la rue des Hivers.

 

J’ai toujours trouvé très étonnant de pouvoir faire des coiffes, si belles, très blanches, avec un fer chauffé à la cheminée ! C’était ainsi qu'Yvonne Landreau travaillait. Dans son appartement, une vache n’aurait pas retrouvé son veau, mais elle savait. Parmi les monticules, existait un petit passage pour aller au piano, un autre pour aller à son lit.

On me confectionna donc une très belle robe, une coiffe, et  j’appris les danses traditionnelles. Et c’est là que je connu mon fiancé... qui devint mon mari. Après notre mariage, nous sommes venus habiter chez Yvonne Landreau qui louait un appartement (avec tout à refaire ou presque). L’ennui, c’est qu’il n’y avait qu'un WC commun. Il était dans un couloir, près de chez elle et, chaque fois que nous y allions, elle ne manquait pas de nous accoster à avec des conversations qui n’en finissaient pas (elle connaissait tellement de choses qu’elle était intarissable et il fallait ruser pour prendre congé)

C’est avec elle que j’ai commencé à apprendre l’accordéon. À cet âge là, rien ne fait peur.

Yvonne Landreau était une musicienne accomplie, mais pas pédagogue. Elle attrapait ma main, la mettait là où devait être, mais je me suis accrochée et bien m'en a pris car , avec Gérard, qui jouait de la basse, nous sommes devenus très vite des musiciens indispensables. Bien d’autres sont passés, nous avons fait de belles rencontres avec Nicole et Jean Belgy, Michel Mauvieux, super accordéoniste, Brigitte, de Niort, Maurice Soulice, de Coulon, et sa trompette, Guy Benoist, Rémy Pillier et son saxo...

Sa vie avec ses parents, c’était l’obéissance, un peu bourgeoise, mais au décès de ceux-ci, elle se mit à porter les grosses vestes de son père, ainsi que les grandes bottes noires de jardin (elle disparaissait complètement dedans) pour se rendre à l’extérieur, paradis des orties et des ronces ; mais il ne fallait surtout pas l’aider, elle avait toujours une bonne raison pour nous en empêcher (« il y a une toute petite plante qui est en train de pousser »). Elle mangeait chez elle des yaourts en quantité, mais en revanche, une fois par semaine, allant chez son frère retrouver une famille nombreuse, elle mangeait normalement et fort heureusement. Quant à l'aider, il n'en était pas question.

Un jour, elle me demande de l’accompagner à l’Usine pour emmener sa chèvre au bouc… Nous voilà parties toutes les deux, à pied, emmener Biquette voir son fiancé. Il y avait 2 à 3 kilomètres à parcourir. Arrivées près du but, Biquette s’enflamma. Nous la retînmes du mieux possible car des voitures se trouvaient tout le long du petit chemin et la cour était pleine de gens endimanchés, probablement pour un mariage… Mais Biquette fonçait. Elle nous échappa et alla directement voir son fiancé sous les yeux médusés des invités. Biquette est restée avec son fiancé et nous, nous sommes reparties vite fait chez nous.

Et puis encore, il était fort question (déjà à l’époque) de viols. Yvonne Landreau avait la parade : elle nous répondait j’ai sept culottes – et je crois qu’elle disait vrai. Elle enfilait les vêtements les uns sur les autres, sauf, bien entendu, lorsqu’elle avait son habit de folklore. Elle était resplendissante avec sa coiffe, qu’elle portait à merveille, ses bijoux et ses beaux habits.

Ah, je n’aimais pas le violon ! et pour cause, elle faisait grincer l’archet  sur les cordes, ce qui donnait un bruit étrange et très désagréable à l’oreille. Mais elle jouait... l’accordéon, la guitare, la flûte, la harpe. Par contre son piano était divin et pendant de longues années elle a joué  de l’harmonium à l’église.

  

Elle aurait pu enseigner (elle avait son diplôme d’institutrice), mais ses parents ne souhaitaient pas qu’elle travaille. En ce temps, c’était comme ainsi. Au décès de ses parents, n’ayant jamais travaillé, elle n'avait qu'une petite rente et a dû vivre de peu et transmettre son savoir pour gagner quatre sous avec quelques cours de musique. Les Ageassons 1  lui prenaient beaucoup de  temps : costumes, coiffes, écriture et composition de plusieurs chansons sur la vie d’autrefois (Lés Bourgnuns, La Poràie dau mardi gras, Les Peupliers, Les Métiers, Balade en bateau, etc.) et en faire des saynètes pour le groupe.

 

1 - Les Ageassons et Yvonne Landreau apparaissent dans deux vidéos sur le Marais poitevin - Voir des extraits ici :

 Le Marais Insolite. la Venise verte  - émission La France insolite - 1964 

▣ Le Marais poitevin - émission Bien de chez nous - 1976