Ce que dit le préfet Dupin du Marais poitevin 


Claude Dupin a été préfet des Deux-Sèvres de 1800 à 1813

 

Fils du premier secrétaire à l'intendance de Metz, Claude-François-Étienne Dupin nait à Metz le 30 novembre 1767, dans une famille originaire de Donzy en Nivernais. Il fait ses études au collège Saint-Symphorien de Metz, établissement tenu par des bénédictins, puis entre au service d'un notaire de cette ville. Ensuite, il est secrétaire du procureur-syndic du Tiers-État de l'assemblée provinciale des Trois-Évêchés.

 

En 1787, il débute sa carrière administrative sous la direction immédiate de son oncle Louis Ethis de Corny, procureur du roi et de la ville de Paris. Administrateur du département de la Seine, il devient en 1793 secrétaire général de ce département. Occupant alors des fonctions de commissaire auprès de l'assemblée primaire du département de la Seine, il est pressenti pour le ministère de la Police par le Directoire, mais est révoqué le 8 juillet 1799.

 

Nommé par le Premier consul préfet des Deux-Sèvres le 3 mars 1800, il réalise pour ce département une monumentale statistique qui est la base de la reconstruction de ce département ravagé par les guerres de Vendée. Il œuvre pour la réconciliation et la pacification, sous l'influence probable de son épouse, la très royaliste Sébastienne-Louise Gély, veuve de Danton. En récompense de son zèle, il est nommé chevalier de la Légion d'honneur le 14 juin 1804 puis, promu officier de cet ordre le 1er septembre 1808.

 

Destitué de ses fonctions de préfet par Napoléon Ier le 12 mars 1813 pour son opposition à la nouvelle conscription, il est nommé le 31 août 1813 à la Cour des comptes comme conseiller-maitre, y terminant sa carrière. Il rédige alors plusieurs ouvrages sur l'administration locale et son histoire.      


Source 

Wikipédia   


 

 

 

Ce que dit le préfet Dupin 1

 

L’air 

L’air est sain dans le département mais particulièrement insalubre dans la partie sud-ouest, qui est presque entièrement marécageuse. Telles sont surtout les communes de Saint-Liguaire, Coulon, Magné, Arsay, Le Vanneau, Vallant, le Bourdet, Épanne. Les autres communes de cette contrée, quoique exposées aux exhalaisons infectes des marais, jouissent d’un air beaucoup meilleurs, à cause de la grande quantité de vignes qu’on y cultive, et qui travaillent sans cesse à le purifier. 

 

Les maladies 

Les habitants des marais ont communément des affections scorbutiques, les gencives gonflées, la bouche fétide, le ventre gros et obstrué. Ils sont sujets à l’hydropisie.  

 

 Les médecins et les guérisseurs 

Le département possède environ vingt médecins, dont plusieurs fort habiles, mais ils sont inégalement répartis […] On ne les appelle jamais que dans les cas désespérés. Les paysans croient aux sorciers : une maladie est un sort qu’on leur a jeté, et ils s’adressent au devin. Celui-ci, pour guérir la fièvre, suspend au cou du malade un sachet rempli d’herbes cueillies en nombre impair avant le lever du soleil, et lui défent de l’ouvrir, car un regard suffiroit pour faire perdre à ces herbes leur efficacité. Les maladies extérieures comme abcès, luxations, se guérissent par des toucheurs. Un paysan a une entorse, le toucheur est appelé ; il s’arme d’une hache, et en frappe un grand coup contre terre entre les jambes du malade : il a tué le chat et le malade est guéri ; car c’étoit un chat invisible qui s’attachoit à la jambe de ce pauvre paysan, et le faisoit souffrir. Il ne faut pas oublier les commères, qui possèdent des recettes merveilleuses pour la guérison de tous les maux. Dans la fausse pleurésie, qui est assez commune, elles administrent une potion composé de de huit à dix cuillérées de très fort vinaigre, six cuillerées de miel, deux de levain, et une de poivre et de girofle. Ce breuvage, que le malade avale en une seule fois, excite en lui une chaleur dévorante, une transpiration excessive et le tire d’affaire ou le met au tombeau.

Le vrai fléau des campagnes, ce sont de prétendues sages-femmes, dont la maladresse multiplie chaque jour les boiteux et les bossus, et qui ont l’orgueil barbare d’empêcher qu’on appelle un accoucheur habile, même lorsque le danger est le plus imminent »  

 

 

Le Marais poitevin (sud-ouest de Niort) 

Terres arides, pierreuses, de très-mauvaise qualité pour tout autre culture que celle de la vigne. C’est dans cette partie qu’on trouve La Foye-Monjault, dont François 1er  buvoit le vin avec grand plaisir et qui est encore assez délicat. Des propriétaires industrieux y ont fait de grands établissements de ce genre.

Dans le marais, on recueille beaucoup de chanvre et lins. Cette culture auroit besoin d’encouragement, elle pourroit donner assez de matières pour établir une manufacture de toiles à voile, qui suffiroit à l’approvisionnement de Rochefort et de la Rochelle.  

L’habitant du marais, livré exclusivement à la pêche et à la chasse des oiseaux de rivière, semble former une classe à part dans ce département par la simplicité remarquable de sa manière de vivre. Il ne possède à peu près rien, et il est rare de le voir mendier. Affranchi de tous les besoins factices, il est riche s’il a un batelet, un filet de pêche et un fusil.

 

Les communes rurales 

Les communes rurales du département des Deux-Sèvres sont presque toutes composées de hameaux épars, de métairies isolées? Chaque hameau s’appelle village, et celui qui possède le clocher donne son nom à la commune. 

L’architecture des villes est sans goût, sans ornemens, dénuée de tout ce qui peut rendre une habitation agréable et commode. La seule différence que présente la construction des maisons, entre le nord et le midi, c’est que, dans le midi, les toits sont très plats et couverts de tuiles creuses, tandis qu’à Thouars les toits sont en ardoises et très élevés.  

 

Les habitants du marais 

Le marais est un pays gagné sur l’eau aux roseaux innombrables qui servent au plus pauvre à faire sa cabane :

Le cabanier agrandit son domaine avec des pieux et des branches d’arbres. Il pratique près de son habitation des caches pour prendre le poisson, des réservoirs pour l’y déposer. Dans les instants de loisirs que lui laissent la chasse et la pêche, il s’occupe à former des mottes : c’est de la terre amoncelée au-dessus des eaux du marais et renfermées par un grand fossé circulaire. Il y cultive des légumes, qui acquièrent peu de saveur mais beaucoup de volume, et du chanvre.  

L’habitant du marais est encore plus grand que celui de la plaine. Il a plus d’embonpoint, ses membres sont plus massifs, mais il manque de santé et d’agilité. Il est grossier, apathique, et ne pousse pas loin sa carrière. Une cabane de roseaux, un petit pré, quelques vaches, un bateau qui sert à la pêche, et souvent à voler du fourrage le long de la rivière, un fusil pour tuer les oiseaux d’eau, voilà toute sa fortune et tous ses moyens d’industrie.

Pendant l’été, il y a beaucoup de ballades ou fêtes champêtres. C’est là que les hommes boivent, et que les jeunes gens dansent au son de la musette ou, plus souvent, à la voix d’une vieille femme qui chante gravement. 

 

Les habitations

L’ignorance des maçons se fait sentir encore plus fortement dans les campagnes et y produit de plus funestes effets.

Les toits sont très plats et couverts de tuiles creuses. Presque partout les maisons sont très petites, enfoncées de plus d’un pied au dessous du niveau du sol, souvent sans fenêtres, ne recevant la lumière que par une porte basse et presque toujours fermée. Les meubles sont entassés les uns sur les autres, dans la chambre commune, avec quatre ou cinq lits. Des baquets où se dépose la nourriture de la volaille et des cochons, et qui jamais ne sont lavés, contribuent encore à corrompre l’atmosphère, et un cloaque, creusé devant la porte, pour y faire pourrir le fumier, achève de rendre le séjour infect.  

 

Les aliments 

Le pain est la principale nourriture de l’habitant des Deux-Sèvres. Ce pain est de froment, de seigle, d’orge d’été, vulgairement appelé baillarge.

Les paysans mangent des œufs, du beurre, du fromage, du lait, des légumes. Les plus aisés y joignent du cochon et un peu de volaille. Ils font partout grand usage de fars, espèce de hachis d’herbes et de mie de pain, mêlé d’œufs et d’épices.

Il s’abreuvent ordinairement d’une espèce de piquette, connue sous le nom de boisson. C’est de l’eau fermentée sur les marcs, après qu’on a tiré le vin. Dans les communes qui manquent de vignobles, les paysans préparent encore une espèce de vinasse en faisant fermenter dans l’eau des prunes séchées au four. Ils ignorent l’usage de la bière et du cidre. 

 

Les vêtements 

Le costume des hommes n’offre aucune particularité. Ce sont des habits très larges, chargés de plis, de boutons, faits dans une étoffe grossière, épaisse, de couleur terreuse ou gris bleu. La culotte est très ample et retombe sur les guêtres, le chapeau est à bords rabattus.

Les femmes portent une espèce de corset très épais qui, au lieu d’être échancré sur la gorge, se termine en pointe vers le menton. Les jupons sont amples et chargés de plis sur les reins. Une mante ou couverture noire est jetée sur les épaules comme un châle. Une coiffure dans le genre de celle des sœurs grises, serrée sous le menton, tient les joues dans un état continuel d’engorgement. Des mules pour chaussures, chaines d’argent attachées à la ceinture par de gros crochets et auxquelles pendent le couteau, les ciseaux, les clefs, l’épinglier.

Les habitants des marais sont vêtus le plus grossièrement.

 

L’école 

À défaut de personnes instruites qui voulussent se charger de l’honorable fonction d’instituteur, on a été obligé de la confier à des hommes qui savent tout au plus former passablement des lettres.  

Éducation des filles

Dans une lettre du 9 avril 1713, Madame de Maintenon disait : « Il faut élever vos bourgeoises en bourgeoises. Il ne leur faut ni vers, ni conversations. Il n’est point question de leur ouvrir l’esprit. Il faut leur prêcher les devoirs de la famille, l’obéissance pour le mari, le soin des enfans, l’instruction à leur petit domestique, l’assiduité à la paroisse le dimanche et les fêtes, la modestie avec ceux qui viennent acheter, la bonne foi dans leur commerce. »

Claude François Étienne Dupin - préfet des Deux-Sèvres - 1808
Claude François Étienne Dupin - préfet des Deux-Sèvres - 1808

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1. - Mémoire statistique du département des Deux-Sèvres adressé au ministre de l'Intérieur  par le citoyen Dupin, préfet de ce département - an XII.

 

 

 

 

 

 

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 1 - Voir aussi page : 

 Incendie dans la rue du Four à Coulon