La redevance du gâteau sur le champ Bachelier  

Jean-Louis Gibaud  

Extrait d'Aguiaine, Le Subiet - N°273 - octobre-novembre-décembre 2009 


Une coutume disparue à Coulon 

  

Le septième jour de l'an de Grâce 1393, transaction entre messire Tristant de Verruye, chevalier, et messire Huguet de Payré, écuyer, seigneurs de Coulon.

Dans l'acte, il est dit, entre autres : « Et entre aultres, est parlé que deux buors que doilt le Roy de Coulons pour droit de réaulté de la Bachelerie ausditz chevalier et escuyer en chacune feste de Trinité notre Seigneur au changement dudit Roy se partiront et diviseront par moitié entreulx. »

Nous ignorons le mode d'élection, nous dit l'abbé Loth, curé de Coulon de 1913 à 1932. Ce que nous savons, c'est que ce roi devait payer aux seigneurs pour droit de royauté deux buors ou butors (bulletin paroissial - aout 1929).

Butor, oiseau vivant dans le marais, échassier, dont le cri évoque le mugissement du taureau.

Le jour de la Sainte-Trinité, les bacheliers, le roi en tête, se rendaient au champ Bachelier où avait lieu la fête (bachelier, prononcez bachelàe, célibataire - glossaire de l'abbé Rousseau, Bulletin des antiquaires de l'Ouest, 1867).

Ce champ, qui figure sur le cadastre, est situé route de Malécot à Coulon.

L'abbé Auber, dans son Histoire civile et religieuse du Poitou - 1889 - écrit en parlant de l'église de Coulon : « elle avait le double vocable de Saint-Sauveur et de la Sainte-Trinité. » Ce dernier était la fête patronale. On ignore quand et comment les fêtes de la Bachellerie de Coulon disparurent. Ce que nous savons, transmis par nos grands-parents, dans la seconde moitié du XIXe siècle, c'est que le jour de la Sainte-Trinité, la famille Magnin de Coulon, probablement propriétaire du Champ Bachelier, offrait le gâteau aux habitants de Coulon.

À sa fondation vers 830 par les moines de Charroux, l'église de Coulon prit le vocable de Saint-Sauveur, puis à la fin du XIIe siècle fut rattachée à l'abbaye royale de Nieul-sur-l'Autize. Elle prit alors le vocable de Sainte-Trinité.

Coulon avait sa maison charitable, l'Aumônerie Saint-Jacques, fondée par les Lusignan, seigneurs de Benet.

Louis Laurent, seigneur de la Mormantin et de Coulon, par son mariage avec Françoise Pellot, fille de Pierre Pellot et de Catherine Macé, lègue en 1628 aux pauvres de Coulon 30 boisseaux de méture, et à ladite aumônerie 300 livres pour l'augmentation de ses revenus.

Le 21 février 1662, fut enterré un pauvre qui mourut à l'aumônerie (registres paroissiaux de Coulon).

 

Le 28 juin 1677, bail à ferme par les commandeurs, chevaliers de l'ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem, à Pierre Gouhet, demeurant à Niort, des biens et revenus de l'aumônerie de Coulon... moyennant le prix et somme de cent cinquante livres.

Le 11 février 1695, un arrêt du Conseil privé du roi Louis XIV portait l'établissement d'un hôpital dans la ville de Chizé, en réunissant les biens et revenus de l'aumônerie Saint-Jacques de Chizé avec plusieurs aumôneries et notamment l'aumônerie de Coulon.

 

Le 20 octobre 1705, bail à ferme par les administrateurs de l'hôpital de Chizé : « C'est à savoir la mesterie dépendant dudit Hôtel Dieu située audit lieu de Coulon où demeure ledit Morin et Bourdel sa femme […] Cette ferme est faicte moyennant la somme de deux cents livres.

 

Mais quel rapport à l'aumônerie de Coulon avec la redevance du gâteau ! Or le fonds où est situé le champ Bachelier dépendait de la métairie de l'aumônerie de Coulon.

En 1837, les administrateurs de l'hôpital de Chizé mettent en vente l'ensemble de la métairie de l'aumônerie.

Maitre Crochery, notaire à Coulon, fut chargé de la vente, qui se déroula le 4 juin 1837, et les jours suivants.

 

Dans l'acte, une clause concernant le champ Bachelier stipule :  

Article deux 

« Attendu que la pièce de terre appelée le champ Niquet comporte dans sa partie nord-est une motte d'environ quarante cinq ares trois boisselées, qui est connue sous le nom de Champ Bachelier dont la séparation dudit champ Niquet a lieu par une […] ; cette partie sera vendue séparément, et comme les fermiers ont toujours eu raison de ce dit champ sans en être chargés par l'administration de l'Hospice, acquitté une redevance d'un gâteau et d'autres objets de même conformation sans que cette redevance ait été justifiée par aucun titre, l'adjudicataire dudit Champ Bachelier sera tenu d'acquitter cette redevance si elle est due, ou s'en défendre à ses risques et périls sans aucun recours contre ledit hospice, qu'il devra faire tenir quitte de toute demande à ce sujet, pour la perception de la régie cette charge est estimée un franc par an. »

 

Septième lot 

« La division connue pour le nom de Champ Bachelier contenant environ quarante cinq ares ou trois boisselées […] est mise en vente avec les charges et redevances indiquées audit article deux des suppléments des charges sur une valeur de cinq cents francs, et sans aucune enchère jusqu'à six cent dix francs, adjugé après plusieurs enchères et plusieurs bougies éteintes sans enchère, à Jean Peltier, domestique chez Monsieur Faribaud 1 au bourg de Coulon, à ce présent et acceptant […] moyennant la somme de six cent dix francs. »

 

Ainsi la redevance du gâteau avait remplacé les deux butors. Le dernier titulaire de cette charge fut la famille Magnin de Coulon.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1. François Faribaud, maire de Coulon de 1830 à 1848, demeurait à la Gâtinerie).

 

 

 

 

 

 



Sources    
 Archives nationales : H 3214

 Archives départementales des Deux-Sèvres : H Dépôt 5111B 1

 Minutes Crogery : 3 E 10084 

 Nicole Pellerin : Les Bachelleries dans le Centre-Ouest - 1982