La guerre des Gaules de 58 à 52 av.J.-C.

Olivier Loth - curé de Coulon 


Entre 58 à 52 avant J.-C., César se lance dans une vaste campagne de conquêtes, appelée « la guerre des Gaules ». 

La campagne de Jules César dans les Gaules dura huit ans, de l’an 59 à l’an 51 avant Jésus-Christ. La Gaule, vaincue, perdit son autonomie. Rome implanta chez nous sa législation, son administration, son architecture, sa langue – la langue latine –, et même le culte de ses divinités. La domination romaine en Gaule amena la formation d’un nouveau peuple, les Gallo-romains.

La langue latine devint la langue nationale de nos ancêtres pendant plusieurs siècles. Du latin est sorti le français.

Aussi, c’est dans le latin qu’il faut chercher l’origine et la signification de beaucoup de noms de lieux qui existaient à cette époque. Les dénominations qui ont été données à nos fermes, à nos villages, à nos bourgs, n’ont pas été données au hasard ; elles sont dues à une foule de causes 1.

Voulez-vous quelques exemples ?

 

- Peigland vient de deux mots latins, podium glandis, le puy du gland, parce que c’est un lieu élevé, puy, et que ce puy était couvert de chênes.

- Ambreuil , que je trouve écrit parfois Embreuil, et aussi Breuil, tire son origine du mot latin Broilum qui veut dire bois. Ambreuil était donc autrefois un lieu boisé.

- Torigné est dû au mot latin Toriniacus qui signifie la maison des Torinius ou mieux des Taurinius, famille gallo-Romaine (?) qui tirait elle-même son nom d’homme appelé Taurinus.

- L’Autremont doit aussi son nom à l’un de ses premiers propriétaires, un Gallo-romain. L’Autremont signifie la maison d’Austremundus. Ce vocable Austremundus n’est pas rare ; on le trouve dans la formation de plusieurs noms de lieux. Ici est sous-entendu le mot latin villa ; il ne subsiste que l’article élidé qui, avec le nom d’homme, a donné l’Autremont. Plusieurs lieudits ont par contre une origine plus moderne, comme :

- le Petit Bois ;

- La Chagnaie pour la chênaie, lieu planté de chênes.

 

Un mot, en passant, des lieudits Les Sanguinières.

Les gens peu avertis voient là d’anciens champs de bataille, où a coulé abondamment le sang, où ont eu lieu des scènes de carnage à faire frémir. C’est à tort. Les Sanguinières – ce nom est assez commun – désignent des terres où croissait, pacifiquement, le cornouiller sanguin.

 

Pour l’instant, occupons-nous seulement de l’étymologie de Coulon.

Coulon s’appelait du temps des Romains, Colonus, puis Colongia. Colonus veut dire Colon, Colongia signifie Colonie. Ces noms indiquent bien une origine romaine.

Les colons, sous la législation romaine, constituaient une classe d’hommes dont la condition légale, intermédiaire entre la liberté et l’esclavage, se caractérisait par ce trait qu’ils étaient attachés à la culture d’un fonds de terre, sans pouvoir le quitter volontairement, ni en être détachés malgré eux.

Cette condition particulière du colon est le colonat. Elle était héréditaire. Le propriétaire du fonds ne pouvait pas aliéner sa terre sans le colon, ni le colon sans la terre. Le colon dépendait de la terre mais n’était pas esclave.

Il est peu de questions qui aient donné lieu à autant d’opinions différentes que celle de l’origine du colonat. C’est dans une constitution de l’empereurs Constantin, de l’année 332, que le colonat nous apparait pour la première fois comme une institution reconnue et réglementée ; mais cette constitution de 332 ne crée pas le colonat, elle en parle comme d’une chose déjà existante.

 

Jusqu’où remonte le colonat ? quelles en furent les causes ?

 

On l’ignore. Suivant une opinion, les premiers colons auraient été des affranchis, des esclaves dotés d’une liberté incomplète et obligés de cultiver les terres de leurs patrons. Une autre veut que le colonat existât dans les Gaules où la masse de la population au moment de la conquête cultivait, héréditairement et à charge de redevance, les terres des chefs auxquels se substitua l’administration romaine. Une autre enfin voit, dans les colons, des hommes qui, d’abord fermiers libres en vertu d’un contrat et par bail temporaire, se sont changés, par l’effet de leur arriéré et de leur dette, en cultivateurs attachés au sol et liés au propriétaire.

 

Coulon – Colonus, Colongia – tire originairement son nom de la condition des humbles cultivateurs de sa terre. Il est certain aussi que notre pays a été occupé plus tard, à une époque de la domination romaine, par une colonie de Barbares.

On donnait, chez les Romains, le nom de Barbares à tous les peuples qui ne faisaient pas partie de l’empire, avant la conquête.

 

D’où venait cette colonie ? Quelle était sa mission ?

 

Les deux siècles qui suivirent la conquête des Gaules furent une ère de paix intérieure et de prospérité. Vers la fin du IIIe siècle, les malheurs de toute sorte –invasions, anarchie intérieure, guerres civiles et étrangères – accablèrent l’empire, et particulièrement la Gaule, et obligèrent les empereurs à recourir à des mesures énergiques. Jusque-là le danger avait été sur les frontières du Rhin et du Danube où l’on avait pu le conjurer. Mais, à cette époque, il était partout. Ce n’était plus seulement les Barbares qui étaient redoutables. Les populations des campagnes pressurées, maltraitées par le fisc devenaient rebelles.

Les bagaudes (bagaudæ en latin) étaient, dans l'Empire romain, le nom donné aux bandes armées de brigands, de soldats déserteurs, d'esclaves et de paysans sans terre qui rançonnaient le nord-ouest de la Gaule du IIIe au Ve siècle

Une grande insurrection, dirigée par deux chef élus, Amandus et Elianus, éclata en Gaule en 284 et 285. On l’appela la Bagaudie ou soulèvement des Bagaudes, du mot de Bagad, attroupement. L’empereur Dioclétien envoya aussitôt une armée en Gaule. Vaincue en 286 au camp de Saint-Maur-des-Fossés (aujourd’hui situé dans le département de la Seine), la Bagaudie ne fut pas anéantie ; elle devait renaître plus d’une fois.

Constance Chlore, envoyé en 292, dans les Gaules, acheva d’y rétablir l’ordre et la tranquillité. Constantin, devenu empereur, distribua des troupes dans toutes les provinces.

 

C’est principalement aux Lètes ou fédérés barbares que les empereurs eurent recours pour contenir les populations mécontentes ou pour repeupler les pays ruinés et abandonnés. Les Lètes étaient des barbares de toutes nations, vaincus ou prisonniers de guerre, transportés dans l’Empire, et auxquels l’autorité romaine concédait des terres, à charge d’un service militaire perpétuel. Ils s’établissaient avec toute leur famille dans les lieux qui leur étaient assignés, et leurs enfants suivaient leur condition. Ils étaient à la fois soldats et colons.

La Gaule fut couverte de garnisons de Lètes. On construisit pour les loger une multitude de camps, placés à des distances très rapprochées, savamment disséminés sur l’immense territoire de la Gaule, et d’où les détachements qui les occupaient surveillaient continuellement le pays, prêts à étouffer les révoltes locales avant que l’insurrection ne devînt générale.

Parmi les Lètes qui ont occupé le Poitou, il en est qui sont connus sour le nom de Taïfales. Ces barbares, d’origine scythe et habitant les bords du Danube, n’ont peut-être été transportés en Poitou, comme colons auxiliaires qu’après 377, lors de leur défaite de Thrace par le général romain Frigérid.

Plusieurs localités de notre terre poitevine portent des noms qui indiquent un séjour prolongé des Taïfales ; ce sont :

 

- Cinq Tifaille 

- Tiffalières 

- Tiffamelières 

- Tiffauges 

- La Tiffardière 

- Tiffault 

- La Taifferie

 

Il est dit, dans une charte, que le camp de Coulon fut donné en 785 à l’abbaye de Charroux.

Le colonat romain a survécu à l’Empire. Lors de la chute définitive de l’Empire, et après la défaite de Syagrius à Soissons par Clovis, en 485, les défenseurs des camps perdirent peu à peu tout caractère militaire pour ne conserver que celui de colons.

La classe des colons apparait comme formant la partie la plus importante de la population des campagnes, à l’époque franque. On la suit jusqu’au IXe siècle. Au Xe siècle le colon a acquis sur sa tenure un droit de propriété ; son nom disparait, il devient le vilain.

 

Une voie romaine allant de Saintes à Angers coupait la Sèvre au gué de la Grange, à un kilomètre environ du bourg actuel de Coulon et en amont. On la retrouve encore et bien conservée, sous les alluvions, dans les « Mouille Culs ». Elle mesure dix mètres de largeur.

En 1868, en draguant la rivière, on a trouvé, près de ce gué, plusieurs objets très anciens et appartenant à différentes époques : un poinçon en bois de cerf, long de 14 cm et un autre poinçon taillé dans un cubitus de cheval long de 13 cm ; un bracelet en bronze parfaitement conservé ; un poignard en fer, très mince et ployé en divers endroits, dont la lame mesure 11 cm. En retirant du lit de la rivière les pierres qui formaient le gué, on a trouvé encore : un couteau semblable à ceux qui servaient aux sacrifices, long de 20 cm, avec douille assez forte ; un instrument d’agriculture ou de campement ayant la forme de la serpe actuelle, douille très allongée, longueur totale, 30 cm ; deux fibules en bronze parfaitement conservées ; cinq agrafes en bronze de diverses formes et de diverses dimensions ; un soc de charrue triangulaires semblable à celui dont se servaient les Romains, long de 20 cm ; six fers de lance de différentes dimensions, un fer de flèche, deux fers à cheval, des clous, un instrument en fer d’usage inconnu ; un couteau très aigu, long de 30 cm ; un couteau dont la pointe était brisée long de 14 cm ; un grand couteau long de 42 cm, large de 6 cm ; un petit couteau long de 18 cm et deux autres petits couteaux à peu près semblables ; un couteau à pointe légèrement relevées long de 36 cm et un petit couteau manche rond de 11 cm ; un bracelet en bronze très mince long de 18 cm large de 0,6 cm brisé en deux morceaux, couvert d’ornements formés de circonférences  concentriques, au milieu desquelles se trouvait en relief un dessin qu’on n’a pu déterminer.

L’importance du gué de la Grange, pendant la période gallo-romaine, est aussi prouvée par des monnaies en bronze et en argent qu’on y a trouvées : un denier d’argent de Marc-Antoine et Octave ; un moyen bronze d’Auguste ; un moyen bronze d’Agrippa ; un moyen bronze de Néron ; un moyen bronze de Domitien ; un moyen bronze de Trajan.

 

D’autres pièces de monnaie romaine ont été découvertes sur notre territoire. Plusieurs habitants de Coulon possèdent des petits bronzes à l’effigie de Tétricus, derniers empereur gaulois, vaincu en 73 à la bataille de Châlons par l’empereur Aurélien qui l’emmena en captivité à Rome où il mourut. J’ai dans ma collection un moyen bronze frappé à l’effigie de Lucilla Augusta, Lucille impératrice. Cette impératrice romaine, fille de Marc-Aurèle, fut tuée en 183 par ordre de son frère Commode, empereur, contre lequel elle avait ourdi un complot. Cette pièce a été trouvée au Petit Bois. L’effigie est nette, détaillée, artistique ; on ne fait pas mieux aujourd’hui.

Il convient de signaler, en terminant, quatre petits bronzes de Constantin (306-337) retirés de trois tombeaux gallo-romains qui furent trouvés en 1883, dans le terrain situé à droite de la route de la Gare, et avant d’arriver au chemin qui descend à la cale de la Grange. Ce lieu est un ancien cimetière gallo-romain qui contient plusieurs sépultures.

 Des ustensiles et armes rouillés, des pièces de monnaie qui n’ont plus cours, une vieille route abandonnée, des tombeaux et des centres, c’est tout ce qui nous reste du colossal empire romain. Sic transit gloria mundi. Ainsi passe la gloire du monde. 

 

 

 

 

 

 

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 1 - Voir aussi pages : 

▣ Origine des noms 

▣ Coulon - Hameaux et écarts

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

  

 


 


Sources

- Extrait du bulletin paroissial n°1 – Abbé Olivier Loth - aout 1922



La guerre des Gaules à Coulon