Histoire de l'école libre de Coulon

Jacques Altmeyer-Carrio


L’histoire de l’école libre de Coulon ne mériterait pas d’être racontée si, dès sa conception et jusqu’à sa démolition, elle ne présentait plusieurs curiosités sur le plan juridique.

Tout commence par la venue d’un curé installé le 3 septembre 1874, Pascal Chartier, né le 10 décembre 1845 à La Forêt-sur-Sèvre, son prédécesseur Pierre Faidy étant décédé en septembre.

Malgré les vives querelles entre la gauche et la droite, malgré les tenants de l’école laïque et ceux de l’école confessionnelle, qui amèneront le vote de la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, et là est la première « curiosité », Pascal Chartier va avoir l’idée de créer une école libre. 

 

« Le maire de l’époque, Léandre Roy, républicain de gauche s’oppose en septembre 1898 à l’ouverture de cette école. « Le Conseil supérieur a tout remis au point en permettant l’ouverture des classes ».

Revue de l’Ouest du 7 Février 1899

Et le 29 Janvier 1899 : « une grande fête a lieu pour son ouverture ».

 

Pour concrétiser son idée, Pascal Chartier ne possédant pas de terrain, ni le premier centime, s’adresse à ses paroissiens.

L’un de ceux-ci donne un terrain jouxtant le pont et le halage, d’une surface de près de 10 ares.

La deuxième curiosité résulte de la confiance existant entre le curé et le donateur. Ni l’un ni l’autre ne pense à officialiser cette donation devant notaire comme l’exige le droit français.

Il en est de même des bâtiments payés par la Communauté catholique. C’est de la confiance qui va jusqu’à la légèreté !...

Les années passent, l’école fonctionne jusqu’en juillet 1941. Mais c’est la guerre. Tout s’arrête.

À cette date, le curé Chartier est bien sûr décédé depuis longtemps (1912). Son successeur, Olivier Loth, a été muté à Latillé en 1932. Est venu ensuite à Coulon Robert Dupont (1933) et personne ne s’enquiert de l’identité du propriétaire des lieux. L’école est laissée à l’abandon. Seul le catéchisme a lieu dans une pièce du haut donnant sur le jardinet et la route près de l’escalier, à l’époque, de ce côté.

Les impôts sont payés par le curé Dupont.

  

Mais les années passent encore… Robert Dupont célèbre son dernier office le 26 septembre 1970 et pense à transmettre cet immeuble à l’évêché, ne voulant plus payer les impôts et autres dépenses.

  

La troisième curiosité intervient à ce moment-là, car à sa grande surprise, selon ses propres termes, cette transmission est impossible juridiquement, car aucun acte notarié n’existe prouvant la propriété de quiconque.

En effet, si pour les meubles, l’article 2279 du Code civil stipule « Qu’en fait de meubles, possession vaut titre », il n’en est pas de même pour les immeubles (tout ce qui est attaché à la terre).

Or, pour être propriétaire, donc pour avoir la faculté de transmettre (don, vente) il faut, selon les rédacteurs du Code, que tous les détenteurs successifs aient été propriétaires de bonne foi, sans opposition…).

On voit donc tout de suite que cette preuve ne peut être établie depuis l’origine. C’est pourquoi le législateur a créé la notion de « possession », qui doit être constante, paisible, de bonne foi, depuis plus de 30 ans (prescription acquisitive (Art. 2262 du Code civil). 

 

Pour cette école « sans titre » il était donc nécessaire et obligatoire de suppléer à cette absence en s’adressant au tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble seul compétent en matière de propriété.

 

Robert Dupont m’explique alors que d’un commun accord avec l’évêché, ils entament une action où l’évêché sera demandeur et lui-même défendeur (qui ne se défendra pas bien sûr).

Le jugement est rendu le 26 novembre 1971, en audience publique, où il est spécifié dans les « attendus » (c’est-à-dire le raisonnement du tribunal) :

« Bien que dans l’ignorance du véritable propriétaire ou pour des raisons particulières les impôts de cet ensemble immobilier aient été mis en 1901 à la charge du curé, puis en 1914 à celle d’un supérieur du collège Saint-Hilaire et enfin à celle de Monsieur Dupont ;

Qu’elle ne peut produire de titre mais que depuis plus de 30 ans elle a toujours eu la possession utile… »

En réponse :
« Robert Dupont n’a jamais prétendu être le propriétaire »

« attendu qu’il s’agit d’un fait constant… 

« que le demandeur bénéficie de la prescription acquisitive prévue par ’article 2262 du Code civil  

Par ces motifs :
« Déclare le demandeur propriétaire […] mais le condamne aux dépens ». 

  

C’était bien le moins et la sagesse du tribunal y a pourvu. 

Ce qui avait été l’école libre a disparu dans la mémoire collective. Il ne reste qu’un terrain appartenant, après vente, à un particulier.
 

Le curé Dupont est décédé le 3 novembre 1984 à Coulon.   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




 Sources

Je remercie mon ami Jean-Louis Gibaud pour son aide et la communication de La  Revue de l’Ouest