Les seigneurs de Coulon

Louis Breillat


Avant de parler des seigneurs de Coulon, je crois qu’il serait bon de revoir l’organisation administrative de l’Ancien Régime en France, qui s’est effondré à la Révolution de 1789.

Au sommet de la hiérarchie, il y avait le roi. D’abord résidant aux Tuilerie, puis à Versailles à partir de Louis XV.

Le pays était divisé en « généralités » qui correspondaient à nos anciennes provinces.

Notre province étant le Poitou, nous étions dans la généralité de Poitiers.

Ces généralités étaient dirigées par des « intendants » tout-puissants nommés par le roi (ils étaient l’équivalent des préfets de régions actuel). Ces généralités étaient à leur tour divisées en « élections » ou « sénéchaussées ». Le mot d’élection s’appliquant surtout à la collecte des impôts, le mot de sénéchaussée s’appliquant à l’ordre public, à la justice.

Nous faisions partie de l’élection et de la sénéchaussée de Niort. Ces élections, ou sénéchaussées, étaient elles-mêmes divisées en « chatellenies ». Nous faisions partie de la chatellenie de Benet. Chaque chatellenie étaient composée de « paroisses ». La châtellenie de Benet était en 1553 composée de quatre paroisses : Benet, Bouillé, Coulon, Sainte-Christine.

La paroisse était le territoire sous l’autorité religieuse d’un curé ou d’un prieur, le seigneur détenant l’autorité civile.

Enfin chaque paroisse était composée de « feux ». Le feu étant le groupe d’individus vivant autour d’un même foyer, l’équivalent d’une famille avec père, mère, enfants et quelques grands-parents. Au sujet de ces feux, les chroniqueurs sont en désaccord. Pour les uns, la moyenne d’individus par feu est de quatre, pour d’autres, elle est de cinq, pour d’autres enfin, elle est de six. Il est donc difficile de savoir exactement le nombre d’habitant d’une paroisse à ces époques-là.

La paroisse de Coulon, comme celles de Benet, Bouillé et Sainte-Christine, faisait donc partie de la chatellenie de Benet.

Le seigneur de Benet était par conséquent au-dessus des autres seigneurs ou maisons nobles des autres paroisses. Il était le « suzerain », les autres seigneurs étant les « vassaux ».

En 1517, le seigneur de Benet (suzerain des seigneurs de Coulon) était « haut et puissant Jehan de Hautemont, chevalier, baron de Conches, Estrabonne, vicomte de Châteauroux, Brosses, chambellan ordinaire du roi, et son lieutenant et gouverneur en Bourgone, Masconnais et pays adjcents, seigneur de Benet et de Chappes », donc un personnage important, près du pouvoir central (témoignage d’Étienne Clouzot dans l’ouvrage Les Marais de la Sèvre et du Lay.

Pour ce qui est de Coulon (je cite maintenant l’abbé Loth) les premiers seigneurs furent des Lusignan ayant profité des largesses des puissants comtes de Poitiers. Il y eut plusieurs générations de Lusignan puis, peu à peu, les ventes, les contrats de mariage firent que l’ancien domaine fut démembré – disons plutôt « partagé » – et que la paroisse de Coulon se vit avec quatre maisons nobles :

- les seigneurs de Laleu ;

- les seigneurs de Payré ;

- les seigneurs du Marais ;

- les seigneurs de Verruyes.

À ces quatre maisons nobles, il faut en ajouter une cinquième : la maison d’Ambreuil. En 1716, cette maison était représentée (mémoire de Laurent Chebrou) par la dame de Montbarrot et, en 1744, par Desprez d’Ambreuil. Ce Desprez d’Ambreuil, comme son suzerain Hugues de Lusignan de Lezay, seigneur de Benet, a émigré à la Révolution. Les biens de l’un et de l’autre ont été vendus comme biens nationaux.

Ces quatre maisons nobles de Coulon « n’avaient aucune affinité entre elles nous dit Olivier Loth. Outre le privilège d’une certaine juridiction ils avaient le commun privilège d’avoir pigeonnier au village, seigneur de médiocre importance. »

Ces familles nobles avaient aussi le privilège d’enterrer leurs morts dans l’église.

Pourtant, en 1582, le seigneur de Benet, Monseigneur d’Estissac, dans une déclaration, affirme que les quatre seigneureries de Coulon « appartiennent à présent à Dame Catherine Macé, veuve de Pierre Pelot, et à son fils Pierre Pelot, son héritier.

Ce Pierre Pelot, mari de Catherine Macé, était fils de Jean Pelot, lui-même fils de Pierre Pelot (celui-ci est cité en 1494 comme marchand de sel au port de Coulon).

Cette famille issue de Marans s’appropria, au cours du XVe siècle, les quatre fiefs composant la seigneurerie de Coulon : Laleu, Payré, Verruyes et les Marais. Pierre Pelot dernier du nom (le fils de Catherine Macé) sera le seul seigneur de Coulon en 1583.

Pierre Pelot (on ignore le nom de son épouse) parait n’avoir qu’une fille : Françoise. Cette Françoise Pelot épousa Louis Laurens, escuyer, sieur de la Mort-Martin, qui était veuf de Marie Levêque. Il avait déjà trois enfants : Noël, Louis et Jacques. Ce personnage fut maire de Niort en 1585, conseiller du roi, receveur des deniers en 1602. Il mourut en 1628.

Le couple Louis Laurens - Françoise Pelot eut encore quatre enfants : Catherine, Louise, Françoise et Marie (qui se fit religieuse à Sainte-Croix de Poitiers).

Catherine Laurens, l’ainée, épousa en 1623 François du Breuil, escuyer, sieur de Chassenon. Ils eurent une fille, Catherine du Breuil. La seigneurie de Coulon lui échut par la volonté testamentaire de son grand-père Louis Laurens.

Catherine du Breuil épousa le 26 juin 1647 Pierre Harpedamme de Belleville, escuyer, seigneur des Razes. Ce de Belleville était un personnage particulièrement turbulent. Il eut maintes querelles avec le curé de Coulon, mais surtout, il tua d’un coup de pistolet, devant l’église des Cordeliers à Niort, Antoine Hélie, sieur de la Roche-Esnard, prieur de Fomblanche dont dépendant le prieuré de Glandes.

Le couple de Belleville - Catherine du Breuil eut douze enfants. La plupart sont morts en bas âge.

L’ainé, Claude Harpedamme de Belleville, escuyer, devint seigneur de Coulon. Il était né vers 1647. Il épousa le 27 mars 1688 Suzanne de Saint-Gelais de Lusignan, de la haute noblesse régionale. Ce couple eut quatre enfants : Marie-Charlotte, Marguerite-Jeanne, Suzanne-Marie et Baptiste-Claude.

L’ainée, Marie-Charlotte de Belleville, née le 29 mai 1699, épousa le 23 juillet 1723 Joseph Berthelin de Montbrun, seigneur d’Aiffres. Ce Joseph était issu d’une famille originaire de la Mothe Berthelin en Aiffres (des Berthelins furent maires et échevins de Niort aux XVe et XVIe siècles). Montbrun fut rajouté à Berthelin par le roi Louis XIV, lequel connaissait et aimait bien Pierre Berthelin (l’oncle de Joseph), vaillant capitaine. Le roi l’appelait Montbrun à cause de son teint bronzé.

Le couple Joseph Berthelin - Marie-Charlotte de Belleville eut cinq enfants : Jean-Gabriel-Simon, Marie-Marguerite, Marie-Elizabeth, Angélique et Joseph-Charles.

La seigneurie de Coulon échut à Jean-Gabriel-Simon qui devint seigneur d’Aiffres, Coulon et autres lieux.

Et nous arrivons à la Révolution de 1789.

Jean-Gabriel-Simon de Montbrun fut le dernier seigneur de Coulon

Né à Aiffres vers 1735, il mourut à Aiffres le 20 aout 1794. Il épousa en 1776 Marie-Thérèse de La Rochebrochard qui mourut en 1783. En secondes noces il épousa, en 1791, Anne de Bruchard.

En 1787, il fut membre de la noblesse, à l’assemblée provinciale du Poitou mais, malade, n’assistera pas aux réunions. Il fit remettre un mémoire ou il réclamait, entre autres, l’abolition des dîmes. Il donnait 3000 livres par an aux prêtres des villes, 800 livres à ceux des campagnes. Il demandait la suppression des justices seigneuriales et des offices de notaires. Il n’a pas émigré, ses biens ne furent pas vendus contrairement à ceux des seigneurs d’Ambreuil et de Benet.

Nous venons de voir les noms des seigneurs de Coulon qui se sont succédés de 1583 à 1789 – 1583, date à laquelle Pierre Pelot devint seigneur de Coulon.

1789, date de la disparation de l’antique seigneurerie. Jean-Gabriel-Simon Berthelin de Montbrun en fut le dernier représentant. Entre Pierre Pelot et Simon Berthelin, il y a huit générations.