Lés gaçots

 

Quant i étàe ùn petit pa grand chouse,

Ol at de çheù rudement bén luntenp

– O fàut ve dire que den çheù tenp

La jhenéce étét pa sérieùse –

I foutiun nous soques den la bouse

Quant i galopiun den çhés chemins

En courant pr la cache-pouléte.

Ah ! I itiun ghére a la démoén

Quant i chantiun la Mère Goréte.

L’étai quant o venét ùn brumall,

Quant o moullét queme vache çhi pisse,

Que lés goutéres nous cheùsiant su le dare,

En matroullant noutre argualisse

I réchtiun tout le lun daus moésuns

Pr foere den la fagne daus barajhes.

Mé nous viélles nenaes, çhés poesuns,

A vere çheù se métiant tout en rajhe.

«  Tenéz, regardéz-lés dun, çhés Jhan-le-Sot !

Regardéz-mou de ce que le sant en traen de faere !

Le paugrgnant den çhés gaçots

Pr échouti toutes leùs afaeres !

Vénras-tu çhi tarze-a-crvàe !

Grand fi-de-putin ! Grand tarze-a-pendre !… »

Ol ét tout çheù qu’o felét entendre

Quant i peviun pa nous sauvàe…

Ine viélle grand-mére, ol ét poet quemode.

Asteùre lés draules sant d’ine àutre mode,

Le s’amusant pu queme d’àutrefoes,

Le savant pu tiràe de l’aeve dau poes,

L’ivér, pr faere daus écouloases ;

Le se canijhant pu quant o fét

De la chaline é pi daus éloases ;

L’alant pu chrchàe daus grléts

En lés pigoullant d’ùn brin d’arbe :

« Grlét, grlét, sortiras-tu ?

Velat la sarpent çhi te pique au çhu ! »

É pi quant o leù vént de la barbe,

Que le quemoénçant à s’en ressenti,

Au lleù de couri la fuméle,

Le se jhuchant den daus tas d’acris

Que le diablle au-z-aromirét pa !

Çhés fis-de-la-mére en sant poes las.

O pet, o fume é pi o roule,

Ol épunte lés vaches é lés beùs…

Mé quant le détrvirant de dessu,

Çhés foét-zire se cassant la goule !

Mé i en arae jhamae fini

A vous parlàe de çhés arsenics…

O vaut meù qu’i lés laeche trançhiles

Si le s’amusant queme daus Jhan-le-Sot…

Ol ét vrae qu’ol at pu de gaçots !

I avun daus agouts queme a la vile.

Ol ét le prougraes, vieù, t’o saras.

Pr pu qu’un m’apele vieù niquedoulle

I irae queri men arbe den lés maraes

Avéc ùn moteùr a pigouille…

 

Les flaques

 

Quand j’étais un petit gars de peu de chose

Il a vraiment très longtemps

– Il faut avouer qu’en ce temps

La jeunesse n’était pas sérieuse –

Nous souillions nos semelles de bois dans la bouse

En courant par les chemins

Pour jouer à cache-cache.

Ah ! Nous n’étions pas malhabiles

Quand nous chantions la Mère Gorette.

L’été, lorsque le brouillard venait

Ou qu’il se mettait à pleuvoir à seaux,

Que l’eau nous ruisselait jusqu’aux fesses,

Tout en mâchonnant notre réglisse

Nous demeurions le long des maisons

Pour construire des barrages dans la boue.

Mais nos vieilles grands-mères, ces trouble-fête,

À nous voir se mettaient en colère :

« Regardez-les donc, ces Jean-le-Sot !

Voyez ce qu’ils font !

Ils pétrissent dans les flaques

Pour maculer tous leurs vêtements !

Viendras-tu ici tarde-à-crever !

Grand fils de putain ! Grand tarde-à-pendre !… »

Voilà tout ce qu’il fallait entendre

Quand nous ne pouvions pas nous enfuir…

Une vieille grand-mère, ce n’est pas commode.

De nos jours, la mode est autre pour les enfants.

Ils ne jouent plus comme autrefois.

Ils ne tirent plus l’eau au puits,

L’hiver, pour tracer des rigoles ;

Ils ne se blottissent plus quand arrivent

Le tonnerre et les éclairs ;

Ils ne vont plus chasser les grillons

En les titillant avec un brin d’herbe :

« Grillon, grillon, vas-tu sortir ?

Voilà le serpent qui te pique les fesses ! »

Et quand leur vient un peu de barbe,

Que l’effet s’en fait ressentir,

Au lieu de courtiser les filles,

Ils montent sur des engins

Que le diable ne maitriserait pas !

Ces salopiauds ne s’en lassent pas.

Ça pétarade, ça fume et ça roule,

Ça épouvante les vaches et les bœufs…

Et quand ils perdent le contrôle,

Ces vauriens se cassent la figure.

Je n’en aurai jamais fini

De parler de ces mauvais garçons…

Mieux vaut les laisser tranquilles

S’ils s’amusent comme des Jean-le-Sot…

C’est qu’il n’y a plus de flaques.

Nous avons des égouts tout comme en ville.

C’est le progrès, mon vieux, il faut que tu le saches.

Pour ne plus me faire traiter de vieux niais,

J’irai chercher mon herbe dans le marais

Équipé d’un moteur à pigouille…