François Mussat 


Le Père Mathusalem - extrait

Le Fils d'un paysan - extrait


C’est la description des gens qui se retrouvaient au pèlerinage de Sainte-Macrine, à Magné le 6 juillet de chaque année.

 

En ce début du XIXe siècle, ce pèlerinage se doublait d’une grande balade 1, où la jeunesse des environs se retrouvait. Ce qui frappe tout d’abord un étranger dans le spectacle que nous avons sous les yeux, c’est la variété des costumes. Les femmes se font surtout remarquer par leur coiffure. Voici le bonnet monumental des ouvrières de la ville, cet autre qui a des dimensions plus modestes, mais qui est orné de dentelles d’un grand prix et celui des riches Saintongeaises. Voilà la simple coiffe en organdi des bords de la Sèvre et du bocage : elle ne manque pas de grâce, lorsqu’elle est bien posée sur des bandeaux de cheveux lissés qui en font ressortir la blancheur.

Dans le reste de la toilette, ce qu’il y a de plus caractéristique, c’est la pièce bordée de rubans d’une couleur très voyante qui couvre la poitrine, et « l’esclavage », chaine d’or ou d’argent à laquelle sont attachés un cœur et une croix de même métal. Plusieurs, mais non des plus huppées, ont une autre chaine suspendue à la ceinture et terminée par une paire de ciseaux. Quand aux hommes, les citadins et les villageois se reconnaissent au premier coup d’œil.

Les premiers ont le costume banal à la mode du jour : chapeau haute-forme, habit ou redingote, rien de pittoresque ! Les seconds portent généralement des chapeaux de feutre noir à large bord, ornés d’une chenille retenue autour par une boucle en acier. Des vestes et des pantalons en étoffe plus ou moins fine, du pays, appelée « tiretaine » ; leur chemise est fermée sur la poitrine et aux poignets par une épingle et des boutons en argent. On reconnait aussi, à leur physionomie un peu sauvage, leur barbe inculte, leur mise plus négligée, les « cabaniers » qui, naguère encore, habitaient dans les marais de la Sèvre Niortaise des cabanes de roseaux. Ils sont, dit-on, les descendants des anciens colliberts, race à peu près disparue, et dont les savants recherchent les débris. Qu’ils se hâtent s’ils veulent en trouver des échantillons, car on a récemment opéré le dessèchement de ces marais, et, sur ces terrains, jadis mouvants et souvent sous l’eau, dont la valeur a décuplé, s’élèvent çà et là, des maisons de pierre.

Les possesseurs enrichis, s’humanisent. Bientôt, il ne restera plus dans la vallée de la Sèvre aucun vestige du passé, et cette race autrefois proscrite, mêlée désormais et confondue avec le reste de la population, n’offrira plus à l’observateur, aucun caractère distinctif.

 

1 - Assemblée champêtre, fête annuelle dans une localité.

 

Les années où la crue de la Sèvre atteignait sa plus grande hauteur étaient désastreuses pour ces pauvres gens. Telle fut l’année 1833, dans laquelle l’inondation dépassa toutes celles dont les anciens du pays avaient été témoins.

Elle arriva si subitement que les « cabaniers », qui en surveillaient ordinairement les progrès, n’avaient pris aucune précaution pour en conjurer les dangers… Ils poussaient des cris de terreur qui se confondaient avec le grondement des eaux, le craquement des arbres abattus par le courant,le beuglement des vaches dans les étables…

 

Des maisons de roseaux ne pouvaient pas résister à la violence des eaux qui roulaient avec le bruit des marées montantes, en charriant des arbres déracinés, des bois de chauffage, des planches, des animaux noyés et des débris de toutes sortes… »