André Coirier
Notes historiques de l'Association généalogique et historique de Benet
Le Retour au bercail
Il n'avait plus de travail
Il a quitté son pays
Sous les rires d'un sérail
Où l'on se moquait de lui.
À la force du poignet
Il a dû tout surmonter
Les lazzis, les quolibets,
N'ont fait que le motiver.
Tout le long de son chemin
Il a côtoyé ses frères
Qui lui ont tendu la main
Pour le sortir de l'ornière.
Toi qui te dis son ami,
tu aurais dû le prouver
Quand il avait des ennuis,
C'est là qu'il fallait l'aider.
Mais maintenant c'est trop tard
Il n'a plus besoin de toi,
Il a maîtrisé son art
Et c'est un beau résultat.
Car le voilà de retour
En dépit des prophéties
Pour le rire, chacun son tour
Tout le plaisir est pour lui.
Dis-moi pourquoi papi...
Dis-moi pourquoi papi je te vois si souvent
Défiler dans la ville avec tous tes copains
Vous portez des drapeaux, dans la pluie, dans le vent
Marchant du même pas, unis main dans la main.
Dis-moi pourquoi papi, de l'église au cimetière
Au monument aux morts, on entend le clairon
Vous déposez des fleurs sur des dalles de pierre
J'aimerais tout savoir quelle en est la raison.
Dis-moi pourquoi papi, brillent sur vos poitrines
Ces médailles colorées que vous portez fièrement
Pourquoi vos défilés sont silencieux, si dignes
Et ce que signifient vos rassemblements.
En réponse mon petit, notre patrie la France
Pour être grande et forte compte sur ses enfants
Beaucoup d'entre eux sont morts le cœur plein d'espérance
Pour que vous puissiez vivre en paix tout simplement.
Regarde-les passer, respecte leurs emblèmes
Car tous ils ont donné avec le même élan
leur jeunesse, leur sang, le meilleur d'eux-mêmes
Sois fier de leur passé ; ce sont des combattants.
Car notre boum à nous, ce n'était pas la foire
Nous n'avions pour musique que la voix du canon
Et tous ceux qui tombaient n'avaient qu'un seul espoir
Éviter à leur fils de connaitre le front.
Les Guerres
De mes oncles morts pendant la guerre
Je suis le seul à porter les prénoms
Même je crois que j'en suis un peu fier
C'étaient Émile, Victor et Léon
Ils sont tous trois tombés au champ d'honneur
Dans ce temps-là c'était pour la patrie
Et on plongeait les siens dans le malheur
En se battant et en perdant la vie.
Vingt ans plus tard, on a recommencé
En quatorze, ça n'a servi à rien
Et à nouveau tout était saccagé
C'était toujours pour la cause du bien.
On dit encore c'est la dernière
Mais chaque fois des arguments nouveaux
Qui agitent la horde guerrière
Ouvrent la porte à d'autres tombeaux
Il y a sur le monument aux morts
La liste de ceux qu'on a sacrifié
Et je le dis encore une fois
Vraiment ça suffit, en voilà assez.
Quand nous serons vieux
Quand nous serons vieux, blasés de toutes choses
Que nous deviserons devant la cheminée
Que nous aurons vécu un peu comme les roses
Le temps d'une saison, l'espace d'un été
Nous nous moquerons bien de notre devenir
Et tournerons plutôt nos yeux vers le passé
En n'ignorant pas qu'il a fallu souffrir
Ce serait idiot de ne plus y penser
De toutes les étapes qui ont meublé nos vies
Il en est quelques-unes où nous avons pleuré
Et si brèves qu'elles furent celles où nous avons ri
Ce furent les plus belles de toutes nos années.
Et comme les bûches qui dispersent les flammes
Après qu'elles ont brûlé deviennent des tisons
Il ne sert à rien d'avoir des états d'âme
Puisque comme ça nous autres finirons
Et peut-être après tout dans les années futures
Alors que de nous ne restera que cendres
Dans de vieux documents et de vieilles écritures
Un de nos descendants cherchera à comprendre.
Pourquoi, partis de rien, nous fûmes peu de chose
Comment ce petit rien nous comble de bonheur
Et il s'apercevra, juste retour des choses,
Que c'est le résultat de l'union de deux cœurs.
Les Évadés
Il n'avaient pas pris de billet pour la France
C'est cachés sous un wagon qu'ils prirent le train
Tous les deux mirent fin à une errance
Qu'on avait imposée en leur forçant la main
Jamais on aurait cru tant de connivences
Chez ces deux jeunes gens qui n'avaient l'air de rien
Les vassaliser, être sous dépendance,
C'était hors de question pour ces deux Poitevins
Je cite leur nom, Charles Paul et Louis Breillat
Car c'est à eux deux que revient ce coup d'éclat
Voilà du bon travail, ça c'était réussi
Mais jamais à Lessert, pas plus qu'à Champmoireau
Ils n'ont parlé, et pourtant le geste est beau
Je crois qu'ils ont pêché par trop de modestie.