Les premières scieries mécaniques dans le Marais - Scierie Chatelet à Coulon

Jean-Louis Gibaud


 

Autrefois, les arbres étaient débités par des ouvriers dits scieurs de long.

Ces ouvriers, écrit Maurice Gibaud étaient appelés « les Marchois », probablement car ils étaient originaires de la Marche. C'étaient ainsi des étrangers au pays. Ils séjournaient au pays la moitié de l'année, laissant chez eux femmes et enfants, et logeaient chez les habitants qui les faisaient travailler, se rendant au petit jour sur le lieu de leur travail en emportant un gros pain. Lorsqu'arrivait l'heure du déjeuner, ils s'asseyaient sur le bois qu'ils avaient débité, mangeaient et buvaient un verre.

Travaillant tout le jour, ils abattaient leurs arbres, les découpaient en billes de deux mètres, débitaient celles-ci en planches et en faisaient des tas que les propriétaires transportaient ensuite à l'aide d'un grand bateau (les trains de bois étaient alors totalement inconnus dans le Marais).

Certains de ces scieurs de long, célibataires, restèrent dans notre région et se marièrent avec des femmes du pays.

C'est en 1872 que Jules-François Chatelet, représentant M. Saulnier, marchand de bois à Ivry-sur-Seine et possédant des scieries dans le Morvan, arrive à Coulon. Aussitôt, il monte une scierie au lieudit Mouille Cul, sur la commune voisine de Magné, en face du château actuel de Maurepas, et une autre à Damvix.

En ce début, les planches fabriquées par les scieries de Mouille Cul et de Damvix étaient entreposées sur les quais, rive droite, au port de la Coutume.

Les planches de la scierie de Damvix étaient amenées par un grand bateau appartenant au sieur Lucas et, de là, transportées par gabarres jusqu'au port de Niort.

Après 1875, les planches de la scierie de Mouille Cul furent entreposées sur l'emplacement du n° 90 avenue de la Repentie, à proximité du pont sur la commune de Magné.

Ce furent Baptiste Clochard et Charles Parlot, voituriers à Coulon et la Garette, qui transportèrent les planches aux gares de Coulon et de Niort (contrat du 9 mars 1875).

Jules-François Chatelet, prenant exemple sur le flottage du bois dans le Morvan, inventa le « radeautage », ou train de bois, qui consistait à rassembler les grumes en un long radeau halé par des hommes dans les conches et sur la Sèvre.

Ce radeau était appelé la traene et les ouvriers les traenours. Ce travail, très dur, se pratiquait durant l'hiver, par tous les temps.

Jules-François Chatelet, né le 7 juillet 1848 à Precy-le-Sec dans l'Yonne, épouse à Coulon le 27 novembre 1877, Honorine Amélie Brunet, de Coulon, fille de Pierre Brunet et Virginie Moreau demeurant sur les quais aux nos 62 et 64. Le contrat de mariage précise qu'au jour du mariage, Jules-François Chatelet demeure quai de la Rapée à Paris XIIe. De cette union est née à Paris XIIe, le 29 décembre 1887, Juliette Amélie qui épousera Léon Auguste Désiré Grange, marchand de bois puis, le 29 décembre 1887, André Jules.

Les époux Chatelet vont habiter quai de la Rapée et séjourner de temps à autre à Coulon.

Le 20 mars 1887, la métairie de Maurepas, appartenant à M. de la Roche-Brochard est vendue à M. Chatelet avec les terres attenantes pour la somme de 42 100 francs. En 1901, il y fit construire le château que nous connaissons actuellement (2021).

Le 20 février 1925, suivant un acte reçu par Me Salats, notaire à Paris, il a été formé entre Jules François Chatelet père, négociant en bois demeurant à Paris 72, quai de la Rapée, et Jules Pierre André Chatelet, négociant, demeurant à la même adresse, une société en nom collectif ayant pour objet le commerce de bois de sciage en France, aux colonies et à l'étranger. Le siège de la société était au 19 quai de la Gare ; son capital social était fixé à la somme de 1 500 000 francs.

C'est probablement après la guerre de 1914-1918 que la scierie fut transférée sur la prairie de l'Autremont, en bordure de la Sèvre.

Jules-François Chatelet est décédé à Maurepas en novembre 1929 et son épouse Honorine Amélie Brunet est décédée également à Maurepas en 1937.

À Paris, Jules-François Chatelet s'occupait d'œuvres sociales. Il fut administrateur de la Caisse d'Épargne de Paris, administrateur de la caisse des écoles du XIIe arrondissement, administrateur du Bureau de bienfaisance, membre de différents jurys de la Seine, vice-président de la Chambre syndicale du bois d'industrie, etc.

À Coulon, Jules François Chatelet avait fait construire une maison pour loger son contremaitre, Émile Vialis.(né en 1890 à Saint-Amant-Roche-Savine, dans le Puy de Dôme). 

Après le décès de sa mère, Jules-André Chatelet arrête la scierie de Mouille Cul. Suzanne Vialis, sa fille (née le 6 octobre 1924 et décédée le 18 mars 2008 à Niort) raconte que ce fut un train entier qui partit de la gare de Coulon avec le matériel pour la région parisienne.

Jules-André Chatelet fut maire de Coulon de 1944 à 1947. Il est décédé à Maurepas le 27 avril 1967 sans descendance.

À l'exemple de celle de Jules Chatelet, des scieries vont se créer : Dejoux à Coulon, Dupond à la Garette, Riffaud à Magné, et d'autres dans les communes du Marais. 


Source
- Le Mémorial des Deux-Sèvres

- Me Lamarre - notaire à Niort - vente de Maurepas - 1887


  

Le Bois blanc, richesse du Marais poitevin - Maurice Gibaud - 1945

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le transport du bois


Les trains de bois

Dans ce pays où l’eau est omniprésente et où les dessertes terrestres sont fort rares, c’est par flottage que les troncs sont transportés sur les conches puis sur la Sèvre Niortaise jusqu’au quai des Petits Avis aménagé pour leur récupération.

Pour le respect des herbages et de l’activité touristique, l’exploitation se fait de la fin de l’été au printemps. Dès le lever du jour, les abatteurs sont à l’œuvre et les aiguilleurs prêts à constituer les trains de bois. Les troncs ébranchés sont roulés jusqu’à l’eau où, aux trois quarts immergés, ils prennent des allures d’énormes crocodiles envahissant peu à peu le marais. Solidement assemblés à l’aide de pitons et de chaines, ils constituent un convoi qui peut aller jusqu’à 200 tonnes. Tirer ensuite un tel mastodonte au gré du courant demande anticipation et réflexes. La mécanisation n’ayant qu’en partie remplacé l’outillage traditionnel, beaucoup de gestes ancestraux demeurent et les manipulations, longues et délicates, demandent de la main d’œuvre.