L'épidémie de choléra dans les villages de bords de Sèvre
notamment la Garette et Coulon

Jean-Louis Gibaud


L'une des causes de l'épidémie de 1849 fut un été particulièrement chaud. Le journal La Revue de l’Ouest  du 9 septembre 1849, note pour le village de La Garette : 

« Malheureusement, la Garette, la localité la plus maltraitée de notre département qui le soit aujourd’hui, présente comme position géologique et topographique toutes les conditions exigées, toutes les circonstances inhérentes au libre développement, à l’expression morbifique du germe épidermique. Le sol sur lequel s’appuie ce hameau, dépendance de la commune de Sansais est argilocalcaire, la colline de 40 mètres de hauteur au pied de laquelle sont bâties sur une seule ligne les habitations de ce village orienté nord-sud […], et du côté opposé à la colline orientée est-sud, commence le marais, vaste réceptacle de détritus de toutes sorte arrivés sur son sol argileux et imperméable.

Notez que depuis deux ans, une masse considérable de ces terrains alluviaux ont été remués et fouillés pour exécuter des travaux d’art aux abords de cette localité (la construction du pont, et la route de la Garette à Coulon à travers le Marais, pour être mis en service vers 1850) et n’ont cessé de dégager, pendant toute la saison chaude, une pestilence qui, sans affecter sensiblement l’odorat, n’en jouit pas moins d’une influence délétère sur la constitution des eaux qui restent constamment exposées à cette atmosphère miasmique, l’absorbant par tous leurs pores, finissent par ressentir les funestes atteintes du mal.

Notez que le bras de rivière dont les eaux coulent à quelques mètres des maisons de ce village […] toutes placées en contrebas du chemin qui les avoisinent (aujourd’hui la rue des Gravées), toutes à moitié ensevelies sous le fumier qui suinte avec l’humidité du sol sous leurs parois et sur le pavé généralement en glaise battue, est plus qu’à moitié tari, que l’eau qui y séjourne croupissante, et que par espaces ainsi que nous avons pu nous en assurer, allant du foyer de l’épidémie au gué de Ménévault (gué de Sansais), commune de Magné, où quelques cas de mortalité dus à l’influence mortifique dont nous nous occupons se sont présentés il y a peu de temps, nous avons été dans la nécessité de faire glisser notre bateau, non plus sur la rivière, mais sur des flaques d’herbes dont la chaleur tropicale de l’été 1849 et le milieu où elle végètent hâtent tout à la fois la croissance rapide et la décomposition plus rapide encore […]

Notez enfin que l’alimentation des habitants […] sur lesquels le mal gangétique sévit quelquefois si cruellement, peut-être un peu en raison de leur régime exclusivement végétal, n’est point suffisamment carné.

Est-ce qu’après les mois de juillet et août, aux abords de ces bas-fonds qui s’appellent le Marais, quand les sueurs d’été, quand les refroidissements qui en sont la suite, viennent affaiblir les organismes des riverains de cette région paludéenne, les fièvres intermittentes et surtout pernicieuses qui tuent quelquefois au premier accès. »

  

Signé Tailleux 

 

 

Pour Coulon, les petits cours d’eau qui remontent dans le bourg, notamment la Douve du Logis 1, qui longe les terres de la Coulonnerie jusqu’au « Château 1 » et le canal de la Pêchoire 1, ces canaux sont des égouts à ciel ouvert. Une pétition datée du 5 aout 1842, signée par 52 personnes, dont un extrait au passage : « cette ouverture dans les terres est chaque année, et pendant 4 mois au moins, un cloaque plein de vase qui expose par ses exhalations la santé de ceux qui l’avoisinent. L’on ignore sans doute combien la terrible maladie des sueurs froides fait des ravages dans nos familles et surtout à laquelle cause nous le devons. »

 

Le 17 mai 1849, un cas de choléra asiatique se déclare à Mauzé. Le journal  L’Étoile de l’Ouest informe, le 31 juillet 1849, que quelques cas sont observés à Mauzé et dans les environs du 22 mai au 22 juin. Ces cas ne s’élèvent qu’au nombre de 6 ou 7.

 

Le 30 aout, on nous annonce que le choléra sévit avec une grande intensité à la Garette, commune de Sansais. Monsieur le préfet se serait rendu sur les lieux avec deux médecins pour juger par lui-même des ravages du fléau et chercher les moyens d’y porter remède. Deux sœurs de l’Espérance l’auraient accompagné dans ce voyage pour soigner les malades. 

 

Le 9 septembre 1849, le préfet des Deux-Sèvres a jugé l’état sanitaire de la commune de la Garette assez rassurant pour pouvoir, « sans manquer aux lois de l’humanité, supprimer le service des médecins et des sœurs de la Charité. » 

 

Le 13 septembre 1849 une cérémonie – touchante – vient d’avoir lieu à la Garette. Ce petit village, cruellement visité par l’épidémie régnante demandant hier au Dieu des miséricordes d’avoir pitié de la population décimée par le fléau. Une procession faite à cet effet a réuni tous les habitants. Espérons que leurs prières seront exaucées. Monsieur le préfet des Deux-Sèvres a compris qu’il devait donner l’exemple et relever par sa présence le moral des habitants. Nous aimons à lui rendre une justice qui lui est due.

 

Dans La Revue de l'Ouest du 23 septembre : « le dévouement des sœurs de l’Espérance mérite plus que des éloges, l’admiration. Depuis le commencement de l’épidémie, elles ont exposé leur vie dans ces contrées malsaines. L’une d’elle y a contracté le choléra et elle est morte victime de sa sublime charité. 

Ces dangers de zèle, ce dévouement, il est un homme qui l’a aussi constamment partagé, c’est le médecin des épidémies. À Mauzé, à la Garette, à Coulon, à Saint-Hilaire-la-Palud, à Arçais, etc., dans tous les lieux ou le choléra s’est montré, il est accouru aussitôt, veillant jour et nuit aussi. Quand le fléau, après s’être arrêté momentanément et a pris une recrudescence subite à la Garette, le conseil municipal de cette commune, au lieu de réclamer l’envoi de deux médecins chaque jour, a-t-il demandé, par une délibération, monsieur le docteur Meschinet et les sœurs de l’Espérance dont il avait apprécié les soins actifs et éclairés. »

 

Le journal  L’Écho du peuple du 14 septembre 1849 - Choléra - On nous écrit de Marans qu’une procession a eu lieu pour conjurer le fléau qui sévit sur les habitants. Un pont volant avait été posé sur la rivière pour donner passage à la procession. Rendu au milieu d’un pont, le curé a bénit le fleuve. Les assistants, agenouillés prièrent le ciel de les débarrasser d’une aussi terrible épidémie.

 

Le 25 septembre 1849, dans le même journal, M. le Préfet vient de mettre à la disposition de chacun de messieurs les maires de Coulon, Sansais, Saint-Hilaire-La-Palud et Arçais « une somme de cent francs destinée à venir en aide aux besoins des malheureux atteints par l’épidémie en procurant aux malades des soins médicaux et aux convalescents ou aux valides une meilleure alimentation […] Une somme de cinquante francs a été également allouée à la commune de Magné… » 

Le choléra causa à Magné 42 décès 2 

 

Pour Coulon, le journal La Revue de L’Ouest du 2 octobre 1849 écrit : « Une mesure que l’intérêt de la salubrité réclame mérite la sérieuse attention de notre autorité départementale. La maison d’école de Coulon a été construite sur un terrain contigu au cimetière. Il était impossible de faire un plus mauvais choix, car aujourd’hui, à la suite du fléau qui décime cette malheureuse population, les enterrements sont si nombreux qu’ils frappent de terreur l’esprits des enfants, et que de malsaines exhalaisons arrivent jusque dans la classe. On ne saurait donc trop se hâter de remédier à aussi triste état de choses.

 

Le journal Le Populaire de l’Ouest du 14 octobre 1849 

« Nous avons à signaler une décroissance complète dans la mortalité des cholériques qui a frappé si cruellement les populations du marais des Deux-Sèvres et de la Vendée.

 

Ce fléau a presque entièrement disparu à Coulon et à La Garette, à Mauzé, à Saint-Hilaire-La-Palud et à Frontenay-Rohan-Rohan. Les cas qui se présentent encore dans ces localités n’ont plus autant de gravité que par le passé et sont heureusement fort rares. »

 

Puis vient le temps des récompenses. L’Écho du peuple du 6 Janvier 1850 :

« Par décret du président de la République en date du 30 décembre, il est accordé, en récompense de services rendus pendant le choléra dans le département des Deux-Sèvres une médaille d’honneur à madame de Meschinet, médecin-adjoint des épidémies […] La communauté des religieuses et de la Sainte-Famille dites « sœurs de l’Espérance », les sœurs hospitalières de Saint-Laurent, Boston Auguste, infirmier de l’hôpital de Niort, Sagot, maire de la commune de Sansais, Grelet, médecin et maire de la commune de Coulon, Gauné médecin-chef de l’hôpital-hospice de Niort, Fontan, chirurgien-chef de l’hôpital de Niort, Trilleux, préposé en chef du quartier des aliénés, Chebrou, de la commune de Magné… » 

 

Monsieur Meschinet écrit dans le Bulletin de la Société de statistique, 1849 :

« Le nombre de cholériques […] s’élève à 600 ; celui des morts est de 400 et quelques ; le village qui a le plus souffert est celui de la Garette. » 

 

Décès survenus à Sansais-La Garette :
En 1848 : 12 - En 1849 : 47 dont 27 et aout et septembre pour La Garette.

À Saint-Hilaire-La-Palud :

En 1848 : 40 - En 1849 : 79

À Coulon :

En 1848 : 30 - En 1849 : 108 dont 59 en aout et septembre

 

Le Journal  La Revue de l’Ouest  du 25 avrilL 1902

L’abbé Alfred Largeault écrit à propos d'une religieuse de l’Espérance (1849)

« Arrivé dans la partie haute de l’ancien cimetière, du côté de l’est, une humble sépulture attire mon attention. La pierre tombale repose sur la terre. À la tête, fixée, une croix en fonte […] à laquelle est attachée une grande ancre de même matière. Au pied de la croix, une couronne formée d’une branche d’olivier et d’une branche de lis est sculptée dans la pierre en relief, et sur le nœud de ruban qui sert de lien, on lit cette devise : "Gloire à Dieu seul en Jésus-Christ". »

 

À la suite, gravée en creux l’inscription suivante : 

Marie Guérin - Sœur Saint-François, religieuse de l’Espérance

 

La sœur Saint-François est décédée à Niort le 17 septembre 1849 des suites du choléra qu’elle a contracté à la Garette, commune de Sansais, en soignant les malades atteints de l’épidémie. En témoignage de mon admiration et de sa reconnaissance pour le pieux dévouement qu’a causé la mort de sœur Saint-François, le conseil municipal de Niort a décidé, dans sa séance du 19 juin 1862, sur la proposition de M. Proust, maire, que le terrain ou repose le corps de cette sainte fille serait concédé gratuitement à perpétuité à la communauté des dames de l’Espérance et que cette tombe serait placée aux frais de la ville.

 

En cette fin d’année de 1849, le choléra sévit toujours dans la région de Coulonges-sur-l’Autize, le journal  L'Écho du peuple  écrit le 3 novembre 1849 :

« Monsieur Nettancourt, propriétaire des houillères de Saint-Laurs, a généreusement fourni à la commune de Coulonges, si cruellement éprouvée par le choléra, sans vouloir en recevoir le prix, la chaux nécessaire au blanchiment des habitations et le charbon en roches qui alimente les feux entretenus nuit et jour dans les principales allées de la ville en vue de purifier l’air. Deux sœurs de l’Espérance sont à Coulonges depuis huit jours et, pour la direction, Monsieur le maire à qui la qualité de médecin a permis de rendre de très grands services à ses administrés qu’il n’a pas quitté un seul instant depuis l’invasion du fléau. »  

 

 

 

Recette contre le choléra (1832) 3

 

Une vieille recette publiée par les journaux satiriques de 1832, à l’époque où la plus terrible épidémie qui ait frappée la France était dans toute sa force :

 

Un quarteron d’indifférence

Autant de résolution dont vous ferez infusion

Avec Le jus de patience

Point de procès, forte gaieté,

Deux onces de société,

Avec deux d’exercice.

Point de souci ni d’avarice.

Trois bons grains de dévotion,

Point de nouvelle opinion.

Vous mêlerez le tout ensemble

Autant le soir que le matin

Avec un doigt de fort bon vin

Et verrez que cette pratique

Au choléra fera la nique

 

On voit qu’à cette époque déjà, on recommandait la tranquillité d’esprit et la gaité comme le meilleur remède du choléra. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1. - En 1850 la Douve du Logis et le canal de la Pêchoire deviendront, respectivement la rue et la petite rue du Château-Bas - Le Château – 6 impasse du Petit-Logis.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2 - Dans Histoire de Magné - Raymond Rousseau. 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

  

 

3  - Extrait de La Revue de l’Ouest 

du 19 novembre 1884.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 



 Sources 

- Les journaux et le bulletin de la société de statistique consultés à la médiathèque régionale de Niort 

- Raymond Rousseau, Histoire de Magné